Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)

La Bosnie-Herzégovine, également appelée "Bosnie et Herzégovine", se retrouve en proie, tout comme la Croatie, à une terrible guerre civile, d'avril 1992 à décembre 1995. Celle-ci est cependant beaucoup plus complexe, cruelle et sanglante que le conflit voisin. Elle oppose l'Etat bosniaque nouvellement indépendant allié au Conseil de Défense Croate de l'Herzégovine, d'un côté, à la "République Serbe de Bosnie", soutenue massivement par l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) contrôlée par le régime de Slobodan Milosevic, de l'autre. Et tout comme en Croatie, le responsable en est le nationalisme exacerbé des Serbes, incarné par Radovan Karadzic et Radko Mladic, respectivement leader politique et chef militaire de la "République Serbe de Bosnie" (Republika Srpska). Ce conflit se distingue cependant des deux autres par l'incroyable férocité et la sauvagerie dont ont fait preuve les milices serbes de Mladic, tout au long de cette tragédie qui dure presque quatre ans.



Les deux premières années, les Serbes, qui bénéficient d'une supériorité matérielle écrasante grâce à l'appui (indirecte) de l'Armée yougoslave (JNA), sont victorieux et conquièrent les trois quarts du territoire bosniaque. Avec les Accords de Washington, signés en mars 1994, les Bosniaques musulmans et les Croates catholiques décident d'unir leurs efforts face à un agresseur commun, et créent une armée commune. A partir de ce moment, avec l'aide militaire occidentale, et surtout celle des Etats-Unis, le rapport de forces commence progressivement à s'équilibrer sur le terrain.

Avec l'intervention directe de l'OTAN en août 1995, les forces croato-bosniaques déclenchent leur contre-offensive finale, l'Opération Tempête, et reprennent presque tous les territoires perdus en 1992-1993. Désormais acculés à la défensive, les Serbes de Bosnie, représentés par Slobodan Milosevic, n'ont plus d'autre choix que de signer les Accords de Dayton, le 1er novembre 1995. Ce qui met définitivement fin à la Guerre de Bosnie-Herzégovine au mois de février 1996.

Ci-dessous: emblèmes ou drapeaux des différents protagonistes. 1° Bosnie-et-Herzégovine (BiH). 2° Conseil de Défense Croate de l'Herzégovine (HVO). 3° OTAN. 4° République yougoslave (Serbie et Monténégro). 5° République Serbe de Bosnie (RS).



Désintégration de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie.

La Bosnie-Herzégovine est l'une des six Républiques socialistes yougoslaves fédérées par Jozip "Tito" Broz après la Seconde Guerre mondiale (1). Les religions qui la composent, élevées au rang de nationalités par Tito, sont par ordre d'importance les Bosniaques musulmans (43.5% en 1991), les Serbes orthodoxes (31.2%) et les Croates catholiques (17.4%), le reste étant formé d'autres nationalités ou minorités ethniques (tzigane, hongroise, roumaine, ...). Elle a pour capitale Sarajevo. Le 21 décembre 1990, le musulman Alija Izetbegovic est élu président de la Bosnie-Herzégovine.

En août 1991, alors que la Croatie est attaquée par l'Armée fédérale (JNA) de Slobodan Milosevic, Izetbegovic refuse de prendre parti contre la politique d'agression serbe, de peur de voir cette guerre s'étendre à la Bosnie-Herzégovine. Cependant, la Bosnie-Herzégovine proclame son indépendance suite a un référendum le 29 février 1992. Les 67% de la population qui votent y sont favorables à 98%, mais le référundum est boycotté par les Serbes. L'indépendance du pays est aussitôt proclamée. Le 7 avril suivant, elle sera reconnue par les Etats-Unis et les membres de la Communauté Européenne.

Izetbegovic souhaite faire de la Bosnie-Herzégovine un Etat unitaire et pluri-ethnique, sans divisions quant à l'origine nationale ou religieuse. Ce souhait est cependant perçu par les Croates et les Serbes comme le désir de la part des Musulmans de dominer par la centralisation.


(1) Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes.


Création de la "République serbe de Bosnie-Herzégovine" (9 janvier 1992).

Le 21 décembre 1990, après les premières élections multipartites en Croatie et la défaite des communistes, une partie des Serbes de Croatie souhaite rester attachés à la Yougoslavie si la Croatie fait sécession. En Krajina, ils déclarent la création de ce qui va bientôt devenir la "République serbe de Krajina" (ou RSK), qui fait sécession le 1er avril 1991.

Le 25 juin 1991, la Croatie déclare son indépendance, que la Fédération de Yougoslavie de Slobodan Milosevic ne reconnaît pas, ce qui déclenche une guerre qui dure jusqu'en août 1995 (2). La RSK joue un rôle important dans l'histoire de la "République Serbe de Bosnie", ou Republika Srpska (RS). Dans ce contexte, alors que les Serbes de Bosnie-Herzégovine désirent, eux aussi, rester yougoslaves, tandis que Musulmans et Croates réclament à leur tour l'indépendance, la Communauté européenne propose le plan Carrington-Cutileiro, du nom de leurs initiateurs, l'Anglais Lord Peter Carrington et l'ambasseur portugais José Cutileiro, pour éviter que la Bosnie-Herzégovine ne plonge dans le conflit croate. Ce plan de partage de la Bosnie-Herzégovine en trois entités est basé sur une forte décentralisation au profit des districts qui seraient classés comme peuplés de Serbes, Croates ou Bosniaques, même si leur prédominance ethnique n'est pas évidente. D'abord accepté par les trois communautés, le plan est finalement rejeté par les Musulmans, par la voix d'Alija Izetbegovic, qui craint d'être marginalisé dans cette formule.

Une "Assemblée serbe de Bosnie" représentant les Serbes de Bosnie-Herzégovine est créée le 24 octobre 1991 et déclare son opposition à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, désirée par les Bosniaques musulmans et croates. Le principal parti politique serbe, "Parti Démocratique Serbe" ou Srpska Demokratska Stranka (SDS), dirigé par le nationaliste Radovan Karadzic, proclame la création des "Provinces autonomes serbes" et d'une assemblée pour les représenter.

En novembre 1991, par référendum, les Serbes se déclarent largement en faveur d'un maintien dans la Bosnie-Herzégovine sous la forme d'un état commun, mais membre de la Yougoslavie.

Le 9 janvier 1992, l'Assemblée serbe de Bosnie déclare la création de la "République des Serbes de Bosnie-et-Herzégovine". Le 28 février, elle adopte sa constitution en déclarant que son territoire regroupe les régions autonomes, les communes et les autres entités serbes. Mais renonçant à former un état commun avec les Musulmans et les Croates, Radovan Karadzic déclare que la "République des Serbes de Bosnie-et-Herzégovine" restera une partie de l'Etat fédéral yougoslave. Radovan Karadzic devient son premier président, et Banja Luka la capitale officielle. Elle adopte un drapeau, des armoiries, un hymne, une monnaie, le dinar de Republika Srpska, un service postal (dont les timbres)... Le 9 janvier est une journée fériée en célébration de la "Fête de la République".


(2) Blogosphère Mara, "Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)".


Déclenchement de la guerre (5 avril 1992).

La reconnaissance internationale de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, en avril 1992, oblige l'Armée fédérale yougoslave (JNA) à quitter le territoire de Bosnie-Herzégovine. De nombreux militaires et officiers serbes de la JNA, comme le général Radko Mladic, changent alors d'insigne et créent alors, avec des engagés volontaires, l'Armée de la République serbe de Bosnie. Equipée par la JNA, financée par la République Fédérale de Yougoslavie (RFY), grossie par des volontaires étrangers (3) et des paramilitaires venant de Serbie, et ayant repris le nom des nationalistes Chetniks de la Seconde Guerre mondiale, l'armée de la République serbe de Bosnie contrôlera en 1992 60% de la Bosnie-Herzégovine, et plus des trois-quarts à la fin de l'année 1993. Il s'ensuit alors une période d'escalade des tensions, et en avril 1992, la guerre civile éclate à Sarajevo.

Photo ci-dessous: des habitants de Sarajevo tentent de se protéger du tir des snipers serbes, durant le siège de la capitale bosniaque.

Bosnian-civilian-Sarajevo-1992


(3) Essentiellement des Russes ou des Grecs. Des paramilitaires grecs ont d'ailleurs participé au massacre de Srebrenica, en juillet 1995. Des volontaires russes étaient également présents dans l'artillerie serbe autour de Sarajevo, pendant les quarante-quatre mois de siège de cette ville.


Siège de Sarajevo (5 avril 1992 - 29 février 1996).

Le siège de Sarajevo est le plus long siège de l'histoire de la guerre moderne. Il s'étend du 5 avril 1992 jusqu'au 29 février 1996, et oppose les forces indépendantistes de la Bosnie-Herzégovine aux Serbo-Bosniaques voulant rester attachés à la Yougoslavie. D'après les estimations, 11,000 personnes sont tuées et 50,000 autres blessées pendant les quarante-quatre mois de siège. Les rapports indiquent une moyenne d'environ 329 impacts d'obus par jour, avec un record de 3,777 obus tirés dans la seule journée du 22 juillet 1993. Ces bombardements endommagent à divers degrés toutes les structures et habitations de la ville, y compris des bâtiments civils et culturels.

Le lendemain de la déclaration d'indépendance, le 1er mars 1992, un jeune bosniaque, Ramiz Delalic, ouvre le feu contre un cortège de mariage serbe, tuant le père du marié, Nikola Gardovic. Celui-ci est considéré par les Serbes bosniaques comme la première victime de la guerre.

Ci-dessous: la "Tour de Sarajevo" abritant les médias et la presse écrite bosniaques de la ville. Déclaré site commémoratif, les autorités ont décidé de la laisser telle quelle après la fin de la guerre.


Le 5 avril 1992 est considéré officiellement comme le premier jour de guerre. Les Serbes prennent prétexte de l'assassinat lors du mariage pour déclencher leur offensive.

Durant les mois précédents, l'Armée fédérale yougoslave (JNA) et les milices serbes en présence dans la région ont commencé à se regrouper et se positionner sur les collines autour de la ville. L'artillerie et divers autres équipements impliqués plus tard dans le siège de la ville y sont déployés.

Au mois d'avril 1992, le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine exige du gouvernement yougoslave de Belgrade (Slobodan Milosevic) le retrait de ces forces. Il n'accepte de soustraire au dispositif que les forces ne dépendant pas de la république socialiste de Bosnie-Herzégovine. Les éléments serbes (87% des effectifs de la JNA) sont rapidement transférés dans la nouvelle "Armée de la République serbe de Bosnie", ou Vojska Republike Srpske (VRS). La Republika Srpska a elle-même formellement déclaré son indépendance de la Bosnie-Herzegovine le 29 janvier 1992, et demande à faire partie de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Les paramilitaires serbes de Mladic composeront la majeure partie des forces de la VRS déployées autour de Sarajevo, ce qui rend le retrait de la JNA de Milosevic pratiquement insignifiant.

Ci-dessous: de gauche à droite, 1° Radovan Karadzic, leader politique des Serbes de Bosnie. 2° Général Radko Mladic, chef militaire de la VRS. 3° Alija Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine. 4° Général Sefer Halilovic, commandant de l'Armija Republike Bosne i Hercegovine (ARBiH).



Forces de défenses croato-bosniaques.
Estimation: 25,000 à 30,000 hommes.


First Corps Sarajevo ARBiH. QG Sarajevo. Commandants: Major-général Mustafa Hajrulahovic Talijan, puis major-général Vahid Karavelic, et finalement major-général Nedzad Ajnadzic.

  • 12ème Division bosniaque (dans l'enclave de Sarajevo):
    • 10ème Brigade de montagne (1992-1995). Musar "Caco" Topalovic.
    • 9ème Brigade motorisée (1992-1995). Ramiz "Celo" Delalic.
    • Brigade croate [HVO] "Kralj Tvrtko" (1992-1995) (4).
    • 101ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Mojmilo.
    • 102ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Stup.
    • 105ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Kosevo.
    • 111ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Zuc Hill.
    • 112ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Rajlovac.
    • 115ème Brigade de montagne (1995). QG Sarajevo-Bistrik.
    • 124ème Brigade légère "Roi Tvrtko" (1995). QG Sarajevo.
    • 152ème Brigade de montagne (1995). QG Vasin Han.
    • 155ème Brigade motorisée (1995). QG Sarajevo-Dobrinja.
  • 14ème Division bosniaque (1995):
    • 104ème Brigade. QG Hrasnica.
    • 109ème Brigade de montagne. QG Pazaric.
    • 123ème Brigade légère. QG Bilalovac.
    • 131ème Brigade légère. QG Fojnica.
    • 181ème Brigade de montagne. QG Pazaric.
    • 182ème Brigade légère. QG Pazaric.
  • 16ème Division bosniaque (1995):
    • 147ème Brigade légère. QG Vares.
    • 161ème Brigade de montagne "Slavna Olovo". QG Olovo.
    • 162ème Brigade de montagne. QG Vares.
    • 164ème Brigade de montagne. QG Breza.
    • 165ème Brigade de montagne. QG Visoko.
    • 185ème Brigade légère. QG Vares.
[Sources: Forces de défense de Bosnie-et-Herzégovine OSBiH, 2012]


Forces de siège (d'abord JNA, puis VRS).
Huit brigades, 700 à 1,100 pièces d'artillerie. Environ 13,000 hommes.

  • Corps "Sarajevo Romanija". Armée Serbe de Bosnie (VRS).
    QG Lukavica. Commandants: Milutin Kukanjac (Avril-Juillet 1992), Tomislav Sipcic (Juillet–Septembre 1992), Stanislav Galic (Septembre 1992 – Août 1994), Dragomir Milosevic (Août 1994 – Février 1996).

Un blocus complet de la ville est alors officiellement établi par les forces serbes. Les routes principales menant à la ville sont bloquées, stoppant les envois de nourriture et de médicaments par la Croix-Rouge et des ONG internationales. L'eau, l'électricité et le chauffage sont coupés. Les forces serbes autour de Sarajevo, bien que mieux équipées, sont numériquement inférieures aux défenseurs bosniaques retranchés dans la ville. Par conséquent, au lieu de tenter de prendre la ville, ils l'assiégent et la bombardent systématiquement pour l'affaiblir, sans quitter les collines.

Pour contourner le blocus serbe, l'aéroport international de Sarajevo est ouvert par les Nations-Unies au transport aérien humanitaire en juin 1992. La survie de Sarajevo en est dépendante.

Ci-dessous: l'offensive de l'ARBiH (14ème et 16ème Divisions) pour désenclaver Sarajevo, en juin 1995.


C'est entre le second semestre 1992 et la première moitié de 1993 que le siège de Sarajevo connait son paroxysme. De nombreuses atrocités sont commises dans les deux camps, et les combats se déroulent avec une telle intensité et une telle violence que de nombreux analystes considèrent qu'il s'agit du siège militaire le plus meurtrier depuis la bataille de Stalingrad, en 1942-1943. Les forces serbes bombarderont quotidiennement les défenseurs de la ville.
  • Recensement de la population de Sarajevo (1991): 525,980 personnes. Musulmans 49.3%, Serbes 29.9%, Croates 6.6%, Yougoslaves 10.7%, Juifs ou autres groupe 3.5%. 435,000 habitants au début du siège, dont 300,000 à 380,000 résidents. (4)
Certains Serbes à l'intérieur de la ville se rallient à la cause des assiégés. La plupart des armureries et des approvisionnements militaires de la ville sont sous le contrôle de Serbes. Des tireurs isolés se cachent dans la ville et transforment les rues en stands de tir, à tel point que Pazite, Snajper! ("Prenez garde, tireur isolé!") est devenu un avertissement courant. Une des principales avenues de la ville est si dangereuse qu'elle sera bientôt surnommée sniper alley par les Casques Bleus. Les Serbes prennent certains quartiers périphériques de la ville au cours d'offensives victorieuses, notamment Novo Sarajevo.


Ci-dessous: un véhicule de transport blindé de la FORPRONU sur Sniper Alley, à Sarajevo.


Bien que numériquement supérieurs, les défenseurs de la ville disposent d'un armement inférieur aux assaillants. Il n'est pas rare que des pistolets soient fabriqués avec du matériel de récupération, tel que des tuyaux domestiques. Des opérations de reprise de positions serbes dans la ville ont considérablement aidé la cause bosniaque. Contournant un décret d'embargo international sur les armes, les membres de la Mafia bosniaque qui ont rejoint l'armée au début de la guerre organisent des réseaux clandestins permettant de passer des armes en contrebande à travers les lignes serbes.

Durant les 196 premiers jours du siège, dans le rapport final transmis par la "Commission des Experts des Nations Unies" (5), l'artillerie serbe tire contre la ville assiégée 64,490 obus de tous calibres, soit une moyenne journalière de 329 projectiles. Les bombardements serbes ne font pas d'exceptions ni de subtilités. En septembre 1993, les rapports des Nations Unies concluent que pratiquement tous les bâtiments de Sarajevo ont subi des dommages: 23% de la ville complètement détruits, 64% partiellement endommagés, et 10% plus légèrement atteints.


Parmi ces bâtiments particulièrement visés et détruits figurent des édifices religieux catholiques ou musulmans, des hôpitaux et des complexes médicaux, les sièges des médias et les centres de communication, les industries, les bâtiments gouvernementaux, les installations militaires bosniaques et des Nations Unies. Parmi les destructions remarquables il y a le bâtiment de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, l'"Institut Oriental de Sarajevo" et la bibliothèque nationale, qui a brûlé avec des milliers de textes irremplaçables.


Bombarder la ville a un coût énorme en vies humaines. Les massacres dûs principalement aux obus de mortier font les unes des médias occidentaux. Le 1er juin 1993, quinze personnes sont tuées et quatre-vingt blessées lors d'un match de football. Le 12 juillet de la même année, douze personnes tuées pendant qu'elles font la queue pour de l'eau. Un attentat devant une boulangerie ainsi que deux explosions sur le marché de Markale (5 février 1994 et 28 août 1995), qui font plusieurs dizaines de victimes (6), sont également très médiatisés.

Ces événements justifient finalement, en août 1995, l'intervention militaire de l'OTAN. Les circonstances de ces massacres sont encore source de polémiques, certains accusant les assiégés d'avoir eux-mêmes provoqué ces carnages pour forcer l'OTAN à intervenir avant que des enquêteurs internationaux et les jugements du TPIY à l'encontre de Dragomir Milosevic et de Stanislav Galic n'établissent la responsabilité des massacres. En réponse au premier massacre de Markale, en février 1994, l'ONU impose un ultimatum aux forces serbes pour retirer l'armement lourd au-delà d'une certaine limite dans un délai donné, sans quoi ils feraient face à une attaque aérienne.

A l'expiration de cet ultimatum, les forces serbes se conforment aux demandes des Nations-Unies. Le bombardement de la ville diminue alors considérablement, ramenant l'espoir d'une issue proche. Un corridor humanitaire est installé à la mi-1993, ce qui permet d'approvisionner la ville, bien que nul ne puisse en sortir. Ce corridor est l'un des principaux moyens de contourner l'embargo international d'armes et de fournir aux défenseurs de quoi se défendre, ce qui a peut-être sauvé Sarajevo.

En 1995, les forces internationales de la FORPRONU, qui ont toléré jusqu'alors les exactions serbes, se retournent fermement contre les agresseurs. Les Serbes pillent un point de collecte d'armes des Nations Unies, ce qui entraîne la décision de l'OTAN d'autoriser le bombardement aérien des dépôts de munitions serbes. Les combats se poursuivent et devant les contre-attaques bosniaques, les Serbes perdent progressivement le terrain et les quartiers de Sarajevo qu'ils ont conquis jusqu'alors. Le chauffage, l'électricité et l'eau sont rétablis en ville. Un cessez-le-feu est décrété en octobre 1995, et les Accords de Dayton sont ratifiés deux mois plus tard, apportant la fin des hostilités, la stabilité et un retour à la normale. Le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine déclare officiellement la fin du siège de Sarajevo le 29 février 1996.

Sarajevo a été fortement endommagée pendant ces quatre années. Le siège de Sarajevo est assurément la plus sombre période dans l'histoire de la ville. Avant la guerre, la ville était en forte période de croissance et de développement. En 1984, les Jeux Olympiques ont rapporté une partie de la gloire qu'elle n'avait pas connue depuis la fin du 17ème siècle. La guerre de Bosnie a stoppé tout ceci, laissant une ville ruinée. D'une population d'avant-guerre de 520,000 habitants, la ville est passée à moins de 250,000 en 1995.

Photos ci-dessous: 1° John Jordan (à droite), The Guardian, journaliste/correspondant de guerre durant le siège de Sarajevo. 2° Pour s'abriter du tir des snipers, tout est bon à prendre.



Sarajevo était avant le conflit un modèle de relations inter-ethniques, mais le siège a engendré des bouleversements considérables. Nonobsant les milliers de réfugiés qui quittent la ville, un nombre très important de Serbes de Sarajevo, par crainte des représailles, justifiées ou non, s'exilent dans les territoires contrôlés par la Republika Srpska. Le pourcentage de Serbes dans la population totale de Sarajevo est passé de 30% en 1991, à légèrement plus de 10% en 2002.

Les régions de la municipalité du quartier de Novo Sarajevo ont formé le "Sarajevo serbe" (Srpsko Sarajevo), où se trouvent maintenant la plupart des Sarajevins serbes d'avant-guerre. Depuis les années sombres du début des années 1990, Sarajevo a accompli des progrès énormes, et est sur le chemin du rétablissement comme capitale européenne moderne.


En 2004, la majeure partie des dommages occasionnés aux bâtiments pendant le siège sont réparés, et les ruines et les impacts de balles sont devenus rares. Des projets de construction ont fait de Sarajevo la ville avec la plus rapide croissance de l'ex-Yougoslavie. La population métropolitaine était en 2002 d'environ 401,000 habitants, soit 120,000 de moins qu'en 1991. Avec sa croissance et sa reconstruction actuelle, Sarajevo pourra un jour rejoindre son niveau de la fin des années 1980, mais les cicatrices du siège de Sarajevo ne pourront jamais disparaître.

Photos ci-dessous: 1° Un casque bleu norvégien de la FORPRONU sur l'aéroport de Sarajevo, en été 1992. 2° Des journalistes de l'agence Reuter aident des secouristes à évacuer des victimes d'un tir de mortier.




(4) HVO: les Croates de l'Herzégovine instaurent un Conseil croate de défense (HVO), reconnu le 15 juin 1992 comme faisant partie intégrante des forces armées bosniaques. Voir: Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit croate (1991-1995).

(5) Final report of the United Nations Commission of Experts established pursuant to security council resolution 780 (1992) - Annex VI part 1: "Study of the battle and siege of Sarajevo"

(6) Les Massacres de Markale sont deux événements tragiques de la guerre de Bosnie-Herzégovine, qui ont lieu sur le marché de la place de Markale, dans le centre de Sarajevo alors assiégée par l'"Armée de la République serbe de Bosnie", ou Vojska Republike Srpske (VRS). Dans les deux cas, des tirs de mortier ont frappé des civils. La première attaque, le 5 février 1994, fait 68 morts et 144 blessés, tandis que la seconde, le 28 aout 1995, 37 morts et 90 blessés.

Dans les deux cas, la provenance des tirs fait l'object des controverses. Les forces serbes assiégeant la ville, immédiatement accusées, affirment ne pas être à l'origine de ces tirs, accusant au contraire l'armée de la République de Bosnie et d'Herzégovine de bombarder son propre peuple pour pousser l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à intervenir.

Lors de la première attaque, les rapports d'experts ne permettent pas de déterminer avec certitude la provenance des tirs de mortier, cependant l'OTAN réagit en imposant aux forces serbes, par un ultimatum, de retirer leurs armes lourdes des alentours de Sarajevo. Après la seconde attaque, l'OTAN déclenche une campagne de bombardements, l'opération Deliberate Force.

Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) conclut a posteriori à la culpabilité de l'armée serbe pour les deux attaques, respectivement lors du jugement de Stanislav Galic et de Dragomir Milosevic, en décembre 2007 (format pdf).



Nettoyage ethnique serbe en Bosnie-Herzégovine (1992-1995).

Comme prévu par la Commission Badinter, suite au référundum d'autodermination de décembre 1991 (boycotté par les Serbo-Bosniaques), la Communauté Européenne reconnait la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant et souverain le 6 avril 1992. Cette reconnaissance est suivie de celle des Etats-Unis. Le nouvel Etat adhère ainsi, le 22 mai 1992, à l'Organisation des Nations Unies (ONU), avec la Croatie et la Slovénie.

Le 12 mai 1992, au cours d'une cession de l'Assemblée serbe de Bosnie, Radovan Karadzic énonce six priorités pour la Republika Srpska:
  1. Etablir une frontière entre la République serbe de Bosnie et le reste de la Bosnie-Herzégovine.
  2. Etablir une connexion terrestre entre les parties orientale et septentrionale de la République serbe de Bosnie.
  3. Conquérir la vallée de la Drina afin d'assurer une communication terrestre avec les Serbes d'Herzégovine.
  4. Repousser les frontières de la République serbe de Bosnie jusqu'aux rivières Una et Neretva.
  5. Partager la capitale Sarajevo en deux zones afin d'y établir le gouvernement de la République serbe de Bosnie à Pale, municipalité de la ville d'Istocno Sarajevo.
  6. Obtenir un accès à la mer via la conquête de l'extrême sud de la côte dalmate et de la ville croate de Dubrovnik.
Lors de cette session, l'Assemblée vote en faveur de la création de l'"Armée de la République serbe de Bosnie" ou Vojska Republike Srpske (VRS), désignant le général Radko Mladic, alors commandant de la deuxième zone militaire de l'Armée yougoslave (JNA), à sa tête. Cette armée est mise à disposition de l'Assemblée des Serbe de Bosnie pour la réalisation des six objectifs prioritaires mentionnés, objectifs réaffirmés par Mladic le 19 novembre 1992.

VRS Serbian Army

Au début de cette guerre de Bosnie-Herzégovine, trois entités sont donc présentes dans le pays. La République serbe de Bosnie, le gouvernement bosniaque et l'Herceg-Bosna, et l'Assemblée des Croates de l'Herzégovine, ainsi qu'une administration des Nations Unies et la FORPRONU, 38,000 Casques Bleus, dont le QG est installé au sud-est de Sarajevo, capitale bosniaque assiégée par les Serbes et la JNA.

La JNA n'intervient dans le conflit que jusqu'à fin mai 1992, mais servira ensuite de base arrière pour la VRS en la créant à partir de certains de ses soldats serbes de la deuxième zone militaire de Yougoslavie, en la ravitaillant en armes, en lui offrant la possibilité de replis terrestre, aérien...

Dans les premiers mois du conflit, les Serbes sont de loin les plus en avance militairement et le conflit tourne au désavantage des Croates et des Bosniaques. Au sommet de sa puissance, La Republika Srspka occupera plus de 70% de la Bosnie-Herzégovine, jusqu'en décembre 1995 et la signature des Accords de Dayton. Les Serbes se battent d'abord contre les Bosniaques, puis contre les Croates de l'Herzégovine jusqu'en janvier 1994, date à laquelle les Croates s'unissent aux Bosniaques et forment ainsi la "Fédération de Bosnie-et-Herzégovine", également appelée "Fédération Croato-Musulmane".

Le 12 août 1992, l'appelation "Fédération du peuple Serbe de Bosnie-et-Herzégovine" est abandonnée et devient officiellement Republika Srpska.

En janvier 1993, un nouveau plan de règlement du conflit est proposé par les Nations-Unies et la Communauté européenne: le plan Vance-Owen, du nom de ces deux initiateurs, les diplomates américain Cyrus Vance et britannique Lord David Owen. Ce plan prévoie la création de dix régions semi-autonomes. Mais il n'est pas accepté par les différentes parties car il était déjà inadapté et dépassé lors de sa proposition, les mouvements de réfugiés et les nettoyages ethniques ayant changé les proportions ethniques dans la population.


En juillet 1993, un nouveau plan, le plan Owen-Stoltenberg, propose le partage de la Bosnie-Herzégovine en trois entités, les Serbes recevant 52% du territoire, les Bosniaques 30% et les Croates 18%. Mais il est rejeté par les Bosniaques à la fin août 1993.

Dans la Republika Srpska et les territoires conquis, les Serbes commencent à détruire une grande partie de l'héritage culturel ou religieux catholique et musulman, afin d'effacer toute présence croato-bosniaque: 789 mosquées et plusieurs dizaines d'églises catholiques sont détruites. Dans la capitale bosniaque encerclée, les édifices culturels et religieux, tels la bibliothèque nationale ou l'"Institut Oriental" de Sarajevo, deviennent également les cibles privilégiées de l'artillerie serbe.

Pratiquement tous les groupes ethniques non-serbes sont persécutés, les habitants chassés de chez eux ou tués, leurs biens pillés et saisis. Au début de 1994, environ un demi-million de personnes ont quitté la République serbe de Bosnie, principalement vers la Croatie ou l'Herzégovine, et la partie de la Bosnie encore sous contrôle musulman. Les Serbes constituent, à la fin de la guerre en décembre 1995, jusqu'à 96.8% de la population de la République serbe de Bosnie et des territoires conquis.

Photo ci-dessous: colonne de réfugiés bosniaques chassés de chez eux, durant le conflit de 1992-1995.

First Phase Digital

Selon le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), des Serbes se rendront coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité tout au long cours de cette guerre pour avoir organisé un nettoyage ethnique en chassant et en assassinant des non-Serbes et en ayant organisé et mis en place des massacres et des camps de concentration ou de détention: Omarska, Manjaca, Keraterm ou Trnopolje (7). Les deux faits les plus marquants de cette nature sont le massacre de Srebrenica en juillet 1995, dans lequel plus de 8,300 hommes et adolescents musulmans sont exécutés par les soldats de Mladic, et le siège de Sarajevo entre le 5 avril 1992 et le 29 février 1996, dans lequel environ 12,000 civils trouvent la mort. D'autres enclaves bosniaques connaissent un sort similaire: Banja Luka, Zepa, Gorazde, Zenica, Tuzla, Trebinje, ...

Dans le même temps, des Bosniaques et des Croates commettent, à une beaucoup moindre échelle, le même type de crimes à l'encontre de Serbes, y compris à Sarajevo. Des observateurs et des agences internationaux affirment que les Serbes tués à Sarajevo l'ont été par l'artillerie serbe qui pilonnait la ville. En outre, environ 200,000 Serbes fuient vers la République serbe de Bosnie au début du conflit. Certains pour répondre à l'appel de Momcilo Krajisnik, président de l'Assemblée de la République serbe de Bosnie, qui invite les Serbes de Bosnie-Herzégovine à venir vivre dans l'entité serbe, d'autres peut-être pour fuir ou éviter les massacres qui auraient été perpétrés par l'armée croato-bosniaque. D'autres Serbes auraient fuit vers la République serbe de Krajina, en Croatie, pour échapper à des massacres perpétrés par des Croates de l'Herzégovine, ou par craintes, réelles ou non, d'actes de vengeance bosniaques.

Ces massacres et nettoyages ethniques dans chacun des camps provoque un engrenage de représailles de la part des militaires et/ou de civils, chacun s'accusant mutuellement. Ce qui instaure une grande confusion dans la véracité des faits et des chiffres.

En juillet 1995, le massacre de Srebrenica dans une enclave "sous protection" des Nations Unies démontre l'incapacité de la FORPRONU à gérer le conflit. L'OTAN décide alors d'intervenir militairement et directement, principalement par des bombardements et du soutien à l'armée croato-bosniaque.

La présence de la République serbe de Krajina, adjacente mais située sur le territoire croate, permet aux Serbes bosniaques de disposer de bases de repli de part et d'autre de la frontière. La base aérienne d'Ubdina, au main de la RSK, permet par exemple aux Serbes de bombarder la Bosnie-Herzégovine à partir de la Croatie.

Carte ci-dessous: territoires contrôlés par les Serbes (Bosnie-Herzégovine et Croatie) en 1993-1995.



(7) Camps de concentration ou de détention serbes en Bosnie-Herzégovine.


Opérations militaires et paramilitaires serbes (1992-1995).

Comme je l'ai précédemment indiqué, la reconnaissance internationale de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine force, en décembre 1991, l'Armée Fédérale Yougoslave (JNA) à quitter "officiellement" le territoire. Mais avant de se "retirer", elle délègue son autorité et transfert une partie de son matériel et de ses effectifs à la nouvelle "Armée de la République serbe de Bosnie". De fait, bon nombre d'officiers et d'hommes de troupe serbes de la JNA décident de rester en Bosnie. Ils démissionnent et se contentent simplement de revêtir d'autres uniformes. C'est le cas par exemple du général serbe Radko Mladic, qui prend le commandement suprême des forces serbes en Bosnie-Herzégovine. A ses soldats réguliers de la JNA, se joignent bientôt des volontaires, des forces paramilitaires et des "iréguliers", comme par exemple les "Tigres Blancs" (Beli Orlovi), les "Tigres d'Arkan" et les "Volontaires de la Garde Serbe" (Srpska Dobrovoljacka Garda).


Les Bosniaques et les Croates les immitent en créant de leur côté la "Ligue Patriotique bosniaque" (Patriotska Liga), les "Bérêts Verts" (Zelene Beretke) et les "Forces de Défense Croates" (Hrvatska Obrambene Snage).

Les protagonistes comptent également dans leurs rangs plusieurs milliers de volontaires et de mercenaires étrangers. Un nombre indéterminé de volontaires d'origine slave/orthodoxes, en particulier des Russes et des Grecs, servent dans les forces serbes, certains d'entre-eux prenant part par exemple au siège de Sarajevo (8). Du côté musulman, les forces bosniaques incorporeront durant les trois années du conflit plusieurs centaines de "Mujahideen" étrangers, en particuliers des Afghans et des "Gardiens de la Révolution" iraniens. Les Catholiques croates comptent sur des volontaires ou mercenaires occidentaux d'origine diverses, des néo-nazis en provenance d'Autriche, d'Allemagne et de Suède, comme par exemple le mercenaire suédois Jackie Arklov, qui sera accusé par le TPIY en 1993 de crime de guerre et crimes contre l'humanité.

En juillet 1992, les Croates catholiques d'Herzégovine et les Bosniaques musulmans, ayant un agresseur commun à combattre, décident d'unir leurs forces. C'est l'"Alliance Croato-Musulmane", qui connaîtra d'ailleurs des hauts et des bas jusqu'à la fin du conflit, en décembre 1995. Les Croates bosniaques ont formé le "Conseil de Défense Croate", ou Hrvatsko Vijece Obrane (HVO). Les Musulmans, de leur côté, organisent l'"Armée de la République de Bosnie et Herzégovine", Armija Republike Bosne i Hercegovine (ARBiH), qui comme son nom l'indique reprend bientôt à son compte et subordonne des troupes croates de la HVO en Herzégovine. (9)

Durant la guerre, les forces combinées croato-musulmanes de Bosnie-Herzégovine sont réparties en cinq corps d'armée. Le 1er Corps ARBiH opère à Sarajevo et Gorazde. Le 5ème Corps ARBiH est positionné autour de la Krajina, où il opère en coopération avec l'"Armée croate de Zagreb" (HV), et dans la région de Bihac.

En 1992, au début du conflit, les forces serbes s'emparent progressivement des grandes villes bosniaques, excepté Sarajevo, et pratiquent la politique de la "Purification ethnique", et les paramilitaires d'Arkan et des Tigres Blancs se distingueront particulièrement dans cette tâche. Les soldats de Mladic tentent d'"effacer" toute trace d'héritage culturel ou religieux non-serbe. Des villages entiers croates ou bosniaques sont incendiés, pillés et vidés de leur population. Les habitants sont chassés de leur foyer, emprisonnés ou détenus dans des camps de concentration, où ils sont systématiquement battus et parfois massacrés.

La liste des exactions et des massacres commis par les Serbes en Bosnie-Herzégovine, et également en Croatie, est très longue et impressionante. Et d'ailleurs, ils ne s'en cachent même pas, rappellez-vous, le 13 octobre 1991, à la tribune de la Présidence Collégiale à Belgrade, Radovan Karadzic avait déclaré sur ce sujet: "Dans quelques jours, Sarajevo tombera et il y aura cinq cent mille morts. Dans un mois, les Musulmans seront annihilés de Bosnie-Herzégovine", ne laissant plus aucun doute sur ses intentions. (10)


(8) On sait maintenant que des Grecs ont pris part au Massacre de Srebrenica en juillet 1995. Après la chute de l'enclave musulmane, un drapeau grec fut d'ailleurs hissé à côté du drapeau serbo-bosniaque. Voir: Helena Smith, Greece faces shame of role in Serb massacre, The Observer, 5 janvier 2003.

(9) Par exemple, à Sarajevo, les forces musulmanes assiégées intégreront dans leurs rangs jusqu'à 25% de soldats croates de la HVO.

(10) Cité dans "Helsinki Committee For Human Rights in Serbia - Helsinki Charter No. 109-110"



Massacres serbes de Foca (Avril 1992 - Janvier 1994).

Le nettoyage ethnique et les massacres commencent le 7 avril 1992 dans la région de Foca, incluant les villes de Gacko et de Kalinovik. Les forces militaires et paramilitaires serbes entreprennent une série d'exactions qui se poursuivront dans cette zone jusqu'en janvier 1994.

L'acte d'accusation du TPIY établiera que durant cette période, les Serbes ont massacré au moins 2,704 civils bosniaques, violé, torturé et/ou mutilé des centaines de femmes, détruits des dizaines d'habitations, de mosquées ou d'édifices culturels et religieux.

Les inculpés des "Massacres de Foca" par le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie seront au nombre de onze: Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac, Zoran Vukovic, Dragan Zelenovic, Gojko Jankovic, Janko Janjic, Radovan Stankovic, Dragan Gagovic, Milorad Krnojelac, Mitar Rasevic et Savo Todorovic. Quatre autres Serbes seront jugés par la Court Pénale de Bosnie-Herzégovine après la guerre: Radovan Stankovic, Nedo Samardzic, Gojko Jankovic, Radmilo Vukovic. Ils sont tous les quinze poursuivis pour crime de génocide, viols, tortures et meurtres. (11)

Jugements rendus par le TPIY:
  • Dragoljub Kunarac: 28 ans de prison.
  • Radomir Kovac: 20 ans de prison.
  • Zoran Vukovic: 12 ans de prison.
  • Milorad Krnojelac: 12 ans de prison.
  • Dragan Zelenovic [plaide coupable]: 15 ans de prison.
Jugement rendus par la Justice de Bosnie-Herzégovine:
  • Radovan Stankovic: 20 ans de prison.
  • Neđo Samardzic: 24 ans de prison.
  • Gojko Jankovic: 34 ans de prison.

(11) Radovan Stankovic, Actes d'accusations du Tribunal Pénal International de La Haye (TPIY)
Affaire "Le Procureur contre Kunarac, Kovac et Vukovic (Affaire Foca).


Photo et carte ci-dessous: 1° "Maison de Karaman" où des dizaines de femmes et d'adolescentes musulmanes ont été torturées et violées par les Serbes en avril 1992. 2° Localisation des charniers où les corps des civils bosniaques ont été exhumés, entre 1996 et 2000, par les équipes de chercheurs et de médecins légistes internationaux.





Massacres et camps de concentration serbes de Prijedor (Mai - Septembre 1992).

Le massacre de Prijedor (260 km au nord-ouest de Sarajevo), également appellé "Nettoyage ethnique de Prijedor" ou encore "Génocide de Prijedor" (12), fait référence à des crimes de guerre et des crimes de génocide commis par les Serbes contre les populations bosniaques musulmanes et croates catholiques dans et autour de la municipalité de Prijedor, pendant l'année 1992.

Dans la guerre de Bosnie, c'est après celui de Srebrenica, le second massacre en importance. D'après le "Centre de Documentation et de Recherche" (IDC) de Sarajevo, 5,273 civils bosniaques et croates ont été tué ou sont portés disparus dans la ville même, et 14,408 tués ou disparus pour toute la région de Pounje.

Photos ci-dessous: exhumations, en 2002 et 2003, des corps des civils bosniaques assassinés par les milices serbes durant le second semestre 1992.

Prijedor massacre 01

Prijedor massacre 02

Ville de Prijedor, recensement de la population publié en 1991, par ethnies/nationalités. Total: 34,635 habitants. Bosniaques: 13,388 (38.65%). Serbes: 13,927 (40.21%). Croates: 1,757 (5.07%). Yougoslaves: 4,282 (12.36%). Autres: 1,281 (3.69%).
  • Statistiques pour la Grande Municipalité de Prijedor, publiées en 1991. 112,543 habitants: 49,351 Bosniaques (43.85%), 47,581 Serbes (42.27%), 6,316 Croates (5.61%), 6,459 Yougoslaves (5.39%), 2,835 Autres (2.51%).
  • Recensement de la Municipalité après les massacres et le nettoyage ethnique serbe, en 1993. 65,661 habitants: 6,124 Bosniaques (9.32%), 47,581 Serbes (72.46%), 2,621 Autres (3.99%).
En 1991 déjà, avec le conflit voisin en Croatie, les tensions communautaires dans la région de Prijedor s'accroissent dans de notables proportions. Beaucoup d'habitants croates et bosniaques quittent la ville en raison du climat d'insécurité qui règne alors. La propagande de Belgrade (TV, radio, presse), qui insulte les Musulmans et les Catholiques, met de l'huile sur le feu, envenime encore un peu plus la situation et exacerbe les ressentiments et la xénophobie des Serbes de Prijedor.

Le 7 janvier 1992, le Serbe Milomir Stakic, qui sera après la guerre accusé de crime contre l'humanité par le TPIY de La Haye, est élu Président de l'Assemblée Municipale de Prijedor. Dès lors, le Parti Démocratique Serbe (SDS) administre et contrôle désormais la ville. Dix jours plus tard, Stakic organise des milices populaires et armées serbes.

C'est l'élément déclencheur, et tous les ingrédients de la future tragédie sont là. Après cette prise de contrôle de Prijedor par les Serbes de Bosnie-Herzégovine, les violences contre la population non-serbe commencent véritablement. La police et les milices populaires établissent des barrages routiers et des contrôles à l'extérieur de la ville, arrêtent arbitrairement des centaines de personnes.

C'est ensuite la montée en puissance des Serbes. Le 12 mai 1992, la nouvelle "Armée de la République Serbe de Bosnie", ou Vojska Republike Srpske (VRS) est officiellement créée, et le général Radko Mladic est désigné pour la commander. La Republika Srpska contrôle déjà de fait les unités fédérales de la JNA qui se trouvent encore sur le territoire bosniaque. Le 22 mai 1992, Mladic commence le bombardement du village d'Hambarine, peuplé majoritairement de Musulmans et de Croates. Il a fait disposer autour du village, sur les collines avoisinantes, de l'artillerie et des troupes blindées. Le pilonnage d'artillerie se poursuivra jusqu'au lendemain vers 15h.

Environ 400 réfugiers croato-musulmans, la plupart des femmes et des enfants, ont tenté de fuir cet enfer pendant la nuit précédente, et Mladic les fait traquer comme du gibier dans la Foret de Kurevo. Dans ce bois, les Serbes se livreront à des dizaines de meurtres et de viols. (14) L'horreur et la longue liste des atrocités serbes ne s'arrêtent pas là. Après la prise de Prijedor et l'attaque d'Hambarine, Mladic s'en prend à la Municipalité de Kozarac (15), qui comprend les villages de Kamicani, Kozarusa, Susici, Brđani, Babici, et où la population était composée en 1991 de 98% de Bosniaques musulmans.

Le schéma est le même que pour le village d'Hambarine, l'attaque de Mladic commence le 25 mai 1992 et se poursuivra jusqu'au 27 mai à 13h. 5,000 soldats serbes de la 343ème Brigade motorisée de la VRS, équipée d'artillerie de 105mm et de chars M-84 (T-72 yougoslaves), y participent. Après le bombardement, l'armée serbe force les survivants à se regrouper dans le stade de football de Kozarac, où les hommes sont fusillés, individuellement l'un après l'autre. Les femmes et les enfants sont ensuite conduits dans le camp de concentration de Trnopolje. Le 7 août 1992 l'existance de ces camps de concentrations autour de Prijedor est révélée au monde entier par un reportage de la chaine britannique ITN. En Europe c'est la consternation: on n'avait plus vu un tel spectacle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la découverte du système concentrationnaire nazi!

Photos ci-dessous: 1° Prisonniers bosniaques dans le camp de concentration de Manjaca, en 1992. 2° Etat physique des prisonniers bosniaques dans le camp de Trnopolje, le 7 août 1992, lors du reportage de la chaine britannique ITN.




Les plus célèbres sont les camps de Keraterm, d'Omarska et de Trnopolje, ce dernier étant réservé principalement aux femmes et aux enfants.
  • Camp de Keraterm. Ouvre le 23 ou le 24 mai 1992, c'est le plus petit et le moins célèbre des trois camps serbes mentionnés. Plus de 3,000 personnes y seront détenues de juin à août 1992.
  • Camp d'Omarska. Ouvert entre le 26 et le 30 mai 1992 dans un ancien complexe minier, à 20km de Prijedor. Entre 6,000 et 7,000 Bosniaques et Croates originaires de Prijedor y ont été enfermés pendant plusieurs mois. Omarska cesse ses activités le 21 août 1992. Un des responsables, Dusko Tadic, sera inculpé par le TPIY et condamné en janvier 2007.
  • Camp de Trnopolje. Installations réservées principalement aux femmes et aux enfants musulmans. Mis en fonction le 24 mai 1992, le camp de Trnopolje cesse officiellement ses activités le 30 septembre suivant. Le 7 août 1992, lors du reportage d'IT, 5,000 détenues y étaient enregistrées. Slobodan Kuruzovic, son commandant, estime qu'entre 6,000 et 7,000 personnes y ont transité.
Des dizaines d'autres camps serbes de moindre importance ont existé entre 1992 et 1995 en Bosnie-Herzégovine, où tortures, viols et meurtres étaient pratiqués. Comme par exemple le camp de Manjaca, ou l'ancienne caserne de la JNA à Zarko Zgonjani.

Résultat de la purification ethnique de Mladic: entre 1992 et 1995, la population non-serbe dans la région de Prijedor passe de 35,000 à moins de 3,000 personnes.

Photo ci-dessous: plaque commémorative à l'entrée du camps de concentration de Keraterm (Prijedor), où furent enfermés, torturés et/ou assassinés plus de 3,000 détenus de juin à août 1992.

keraterm

Carte ci-dessous: camps de concentration serbes en Bosnie-Herzégovine.



Camps de concentration serbes: des témoignages...


(12) Patrick McCarthy, Prijedor: Lives from the Bosnian Genocide. Kozarac.ba, Genocide in Prijedor. Associated Press, Exhibit tells story of Bosnian Genocide, 20 janvier 2008.

(14) "ICTY: Radko Mladic and Radovan Karadzic Indictment - The Attack of Hambarine" (format pdf)

(15) "ICTY: Radko Mladic and Radovan Karadzic Indictment - The Attack of Kozarac" (format pdf)



Alliance croato-musulmane (21 juillet et 23 septembre 1992).

Le 21 juillet et le 23 septembre 1992, Zagreb et Sarajevo signent deux accords prévoyant leur coopération militaire face à l'agression serbe. De fait, la Croatie constituera durant toute la guerre l'unique voie de ravitaillement en armes de l'armée croato-musulmane en Bosnie-Herzégovine.

Les Croates de l'Herzégovine instaurent un Conseil croate de défense (HVO), reconnu le 15 juin 1992 comme faisant partie intégrante des forces armées bosniaques. Ainsi les Croates parviennent à préserver une grande partie des territoires où ils constituent la majorité de la population, évitant que toute la Bosnie ne soit conquise par les Serbes, ce qui rendra possible la contre-offensive finale et la reconquête de 1995. Après trois mois de combats acharnés sur la Neretva, le HVO, composé d'autant de Bosniaques que de Croates, libère fin juin 1992 la rive orientale de Mostar et repousse les Serbes hors de la ville.

Photo ci-dessous: T-55 serbe détruit sur la route de Drnis. 21 juin 1992.


Au même moment, dans le sud de la Dalmatie, l'armée croate lance une offensive et parvient à désenclaver la ville de Dubrovnik, assiégée et pilonnée par l'artillerie serbe depuis août 1991.


Conflit croato-musulman (avril 1993 - mars 1994).

L'Alliance entre les Bosniaques musulmans et les Croates catholiques n'ira d'ailleurs pas sans connaître quelques "périodes d'instabilité". Les tensions nées de l'afflux massif de réfugiés en Bosnie-Herzégovine centrale, 750,000 Bosniaques et 200,000 Croates expulsés de chez eux par les forces serbes, et des divergences politiques entre Zagreb et Sarajevo quant à l'avenir de la Bosnie, exacerbent les passions de l'un et de l'autre jusqu'à provoquer un petit conflit armé croato-bosniaque en avril 1993, qu'avivent encore des atrocités et opérations de nettoyage ethnique commis de chaque côté.

Les forces musulmanes assiègent les enclaves croates HVO en Bosnie-Herzégovine centrale: Zepce, Vitez-Busovaca, Kiseljak-Kresevo. Elle s'emparent également de Vares. De son côté, en mai 1993, Mostar devient la cible de l'artillerie croate de Bosnie (HVO). Victimes de ce mini-conflit, 140,000 Croates et 60,000 Bosniaques sont expulsés de chez eux. En outre, aux quelques 103,000 victimes provoquées au total par l'agression serbe en Bosnie-Herzégovine, viennent désormais s'ajouter les quelque 4,000 tués de cette petite "guerre dans la guerre".


Le conflit croato-bosniaque prend officiellement fin le 23 février 1994, lorsque les commandants des armées croate et musulmane (ARBiH), les généraux Ante Roso et Rasim Delic, signent à Zagreb un accord de cessez-le-feu. En mars 1994, sous l'égide des Etats-Unis, la Croatie (Haris Silajdzic et Mate Granic) et la Bosnie-Herzégovine (Kresimir Zubak) ratifient à Vienne et à Washington un accord définitif.


Réaction des Nations-Unies et période d'accalmie (1993-1995).

Exceptée cette période de conflit fratricide (avril 1993 - mars 1994), les Croates de la HVO et les Musulmans de l'ARBiH combattront côte-à-côte contre l'Armée serbe de Bosnie (VRS).

Au début de l'année 1993, les Nations-Unies, qui jusqu'alors avaient montré un certain degré de tolérance et de laxisme devant les Serbes de Bosnie, commencent à réagir. Le mandat de la Force de Protection des Nations-Unies (FORPRONU) est étendu pour créer six enclaves dites "zones protégées": Sarajevo, Gorazde, Srebrenica, Tuzla, Zepa et Bihac. Des Casques Bleus y sont déployés avec pour mission de protéger les populations bosniaques qui y vivent.

L'ONU établit également une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie centrale. Et le 28 février 1994, l'OTAN s'implique directement pour la première fois dans le conflit, en abattant quatre avions yougoslaves violant cette zone d'exclusion.

C'est l'opération Deny Flight, à laquelle participent les aviations de douze Etats membres de l'OTAN: Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Turquie, Royaume-Uni et Etats-Unis.


Mais en règle générale, en Bosnie-Herzégovine, 1993-1994 et la première moitié de 1995 sont marquées par une période d'accalmie, où les deux camps limitent le nombre et l'ampleur de leurs opérations et réorganisent leurs forces militaires.


Massacre de Srebrenica (11-18 juillet 1995).

Le massacre de Srebrenica, environ 8,400 civils musulmans disparus, est le pire massacre de masse perpétré en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
  • Recensement de la population de Srebrenica en 1991. Municipalité: 36,666 habitants. 27,572 Bosniaques (75.19%), 8,315 Serbes (22.67%), 38 Croates (0.10%), 380 Yougoslaves (1.03%), et 361 autres (0.98%).
  • Ville elle-même. Total: 5,746 habitants. 3,673 Bosniaques, 1,632 Serbes, 34 Croates (0.59%), 328 Yougoslaves (5.70%), et 79 Autres (1.37%).
Srebrenica, une petite ville ouvrière, est en 1995 une des six "zones protégées" par les Nations Unies. Mais l'arrivée continuelle de réfugiers chassés ou fuyant l'Armée serbe de Bosnie grossit sans cesse la population locale, et provoque d'énormes problèmes humanitaires à l'ONU censée la protéger.


Il faut dire que depuis le début du conflit, en avril 1992, cette région est le théâtre de violents combats. En 1995, la ville est devenue une enclave musulmane encerclée par les Serbes.

Srebrenica est défendue par des unités de la 28ème Division de montagne bosniaque de l'ARBiH, commandée par Naser Oric. La ville est encerclée par 20,000 soldats de trois brigades du Drina Corps de l'Armée serbe de Bosnie (VRS), équipés de matériel blindé, de pièces d'artillerie et de mortiers. L'enclave musulmane a été déclarée "zone protégée" par la FORPRONU en avril 1993, et un contingent de 450 Casques Bleus néerlandais commandé par le lieutenant-colonel Thomas J. "Thom" Karremans est présent dans la ville.

Photo ci-dessous: le cimetière mémorial de Potocari (3,215 tombes), où a eu lieu la plupart des tueries.


Le Massacre de Srebrenica, également appellé "Génocide de Srebrenica", désigne les exécutions par l'Armée de la Republika Srpska (VRS) et les paramilitaires serbes, commandés par Radko Mladic, d'environ 8,400 civils bosniaques musulmans vivant dans l'enclave, sans que les Casques Bleus néerlandais présents sur place et censés les protéger, ne fassent quoi que ce soit pour les sauver.

Territoires contrôlés par les protagonistes (VRS, HVO et ARBiH) en septembre 1994:


Avec l'afflu continu de réfugiers, la situation humanitaire de la population se dégrade rapidement au début de l'année 1995.

Le 8 mars 1995, Radovan Karadzic, le président des Serbes de Bosnie, en dépit des pressions de la communauté internationale pour mettre fin au conflit et négocier un accord de paix, adresse une directive à la VRS, la fameuse "Directive Opérationnelle n°7" rédigée et écrite par Radivoje Miletic, qui spécifie:

"... achever la séparation physique des enclaves de Srebrenica et de Zepa au plus vite, en empêchant même les individus des deux enclaves de communiquer. Par des opérations de combat planifiées et bien préparées, créer une situation invivable d'insécurité totale, ne laissant aucun espoir de survie ou de vie future pour les habitants de Srebrenica ou de Zepa." (16)


Le sort de la population de Srebrenica est désormais scellé. Le "cordon de sécurité" et les postes de contrôle mis en place par les Serbes autour de l'enclave de l'ONU ont ordre de ne plus laisser entrer ou sortir qui que soit, en particulier l'aide humanitaire internationale. Le but de Karadzic est d'affâmer littéralement la population de l'enclave.

En mai 1995, la situation humanitaire des civils bosniaques est devenue critique et désespérée. Naser Oric, sur ordre de ses supérieurs, doit quitter l'enclave avec son état-major par hélicoptère pour ensuite gagner Tuzla.

En juin et au début de juillet 1995, la 28ème Division bosniaque lance des opérations pour tenter de briser l'encerclement serbe et réouvrir le couloir humanitaire international. Mais les attaques musulmanes échouent, et la population civile commence à mourir de faim. Le 7 juillet, le maire de Srebrenica (17) enregistre les sept premiers décès dus à la pénurie de vivres. Mais pour les Serbes, cela ne va pas encore assez vite!


1° 6-11 juillet 1995: offensive finale serbe et chute de Srebrenica.

Les forces serbes de la VRS donnent l'assaut et commencent à pénétrer dans l'enclave de Srebrenica le 6 juillet 1995. Les jours suivants, les six postes d'observations de la FORPRONU autour de la ville tombent les uns après les autres aux mains des Serbes. Le 9 juillet, Karadzic, encouragé par le manque de réaction des Nations Unies et de la communauté internationale, ordonne à Mladic de capturer la ville elle-même. (18)

A l'aube du 10 juillet 1995, le drame est consommé. Impuissant, le lieutenant-colonel Thomas Karremans, qui commande les Casques Bleus néerlandais à Srebrenica, demande par radio au siège de la FORPRONU, à Sarajevo, un appui aérien de l'OTAN dans le but de protéger la ville. L'aide promise, en l'occurence deux avions F-16 néerlandais, ne survoleront l'enclave que le lendemain 11 juillet, à 14h30, et mitraillent pendant quelques minutes une colonne de blindés serbes.

Mais les plans d'une attaque aérienne de l'OTAN contre l'artillerie serbe autour de la ville avortent lorsque Mladic menace de s'en prendre directement aux Casques Bleus présents, et les deux chasseurs reçoivent l'ordre d'arrêter leur attaque et de rentrer à leur base. Cette intervention aérienne avortée sera la seule tentative de la communauté internationale pour protéger les civils bosniaques de Srebrenica.

Les troupes blindées de la VRS balaient les faibles forces bosniaques et pénètrent dans les rues de Srebrenica le 11 juillet 1995. Les 450 Casques Bleus néerlandais sont pris en otage. Militairement tout est fini, mais le calvaire de la population civile et les exactions des Serbes ne font que commencer...

Time, Anatomy of a massacre, 21 avril 2002.

Carte ci-dessous: offensive des Serbes de Bosnie contre l'enclave de Srebrenica (6-11 juillet 1995).





2° 11-18 juillet 1995: le massacre.

Dès la soirée du 11 juillet 1995, la plupart des Bosniaques de Srebrenica, une colonne composée de 20,000 à 25,000 réfugiers, tente de gagner Potocari, où se trouve un poste de l'ONU. Arrivés là, des milliers de Bosniaques se pressent dans et autour de l'enceinte de l'ONU, autour des fermes et dans les champs. Les conditions sanitaires à Potocari sont déplorables, et les employés des Nations-Unies débordés par l'afflut des réfugiers. Ces milliers de réfugiers sont essentiellement des femmes et enfants, des vieillards ou des malades. Mais le groupe compte aussi plusieurs centaines d'hommes et d'adolescents.

Le lendemain 12 juillet, la VRS occupe les lieux et les tueries commencent. Les hommes sont sommairement exécutés par groupe de dix dans les champs. Les Serbes fusillent le groupe, les dix suivants doivent s'avancer, enjambent les corps allignés dix par rangées de dix, s'arrêtent et tombent, et ainsi de suite... Ce spectacle macabre se poursuit pendant deux jours. D'autres Bosniaques sont tués de manière similaire dans une ancienne usine de Zinc de Potocari.

Un nombre indéterminé de femmes, selon un infirmier néerlandais témoins des massacres (15), sont violées par les soldats serbes, avant d'être regroupées et évacuées par véhicules pour regagner des territoires bosniaques.

Une seconde colonnes de 12,500 à 15,000 Bosniaques qui tentent de gagner Tuzla, distante de 55km, est pour sa part encerclée par des 281ème et 282ème Brigades blindées de la VRS sur les hauteurs de Kamenica, et les Serbes ouvrent le feu à l'arme lourde et à la mitrailleuse sur les milliers de civils. Cette embuscade fait plusieurs centaines de tués, ainsi que de nombreux blessés. D'après Jean-René Ruez, chef de l'équipe internationale d'enquêteurs du TPIY à Srebrenica, ceux qui choisirent de se rendre sont regroupés en divers endroits, et des exécutions sont perpétrées dans certains de ces lieux de regroupement.

Les Serbes continueront à traquer le reste du groupe, faisant des victimes jusqu'aux lignes bosniaques. Les survivants ont accusé les Serbes d'avoir utilisé des armes chimiques ou biologiques, mais apparemment il s'agissait d'un gaz incapacitant composé de Benzilate, qui désoriente les victimes et leur donne des hallucinations.

A Sandici, sur la route de Bratunac à Konjevici, d'après des témoignages, les soldats serbes forcent des prisonniers bosniaques à appeller les groupes de réfugiers dans les collines, en leur promettant la vie sauve. Ceux qui choisissent de se montrer et de se rendre à la Brigade Serbe de Bratunac sont ensuite abattus à vue.


Un autre petit groupe, comptant 700 à 800 personnes, tente de gagner la Serbie proche via le Mont Kvarac et Bratunac, ou en traversant la Drina et via Bajina Basta. On ne connait pas le nombre de tués sur cette route, ni de ceux qui réussirent à gagner le territoire serbe.

D'autres refugiers encore tentent leur chance vers Zepa, au sud. Sans plus de succès...


On ne connaitra jamais le nombre exact des victimes musulmanes, mais il dépasse largement les 8,300 tués. En 2008, la liste officielle des disparus compte 8,372 noms.

Sur ces 8,372 disparus, 508 avaient moins de 18 ans. En 2008, plus de 5,000 corps sur les 8,372 disparus ont été identifiés par test ADN. Et 3,215 d'entre-eux inhumés dans le cimetière-mémorial de Potocari.

Photos ci-dessous: 1° Cimetierre musulman de Potocari en 2009, qui compte 3,215 tombes. 2° Premières exhumations des charniers de Srebrenica en 1996.



Radko Mladic et Radovan Karadzic, les deux principaux chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, ont été accusés par le TPIY de génocide, crimes contre l'humanité et violations des lois et coutumes de guerre, notamment pour leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica. (19)

Le 2 août 2001, Radislav Krstic, un général serbe qui avait mené l'assaut sur Srebrenica aux côtés de Ratko Mladic, a été condamné par le TPIY à 46 ans de prison pour génocide et autres crimes. L'accusation de génocide a été rejetée en appel, mais le tribunal a cependant retenu une charge de complicité de génocide envers Krstic, sa peine étant réduite de 11 ans. (18)


En 2004, le président de la République serbe de Bosnie, qui constitue maintenant une des deux entitées de la "Fédération de Bosnie et Herzégovine", Dragan Cavic, reconnait publiquement à la télévision que les forces serbes ont tué plusieurs milliers de civils en violant le droit international, et a déclaré que Srebrenica était un chapitre sombre dans l'histoire des Serbes.

Le 10 novembre 2004, le gouvernement de la République serbe de Bosnie a présenté ses excuses officielles pour le massacre de Srebrenica et s'est engagé à traduire en justice les coupables.

En mai 2007, Zdravko Tolimir, proche du général Radko Mladic, a été arrêté par la police serbe près de la frontière entre la Serbie et la Republika Sprska. Le TPIY avait inculpé Zdravko Tolimir, en février 2005, de crimes contre l'humanité et de crime de guerre pour "le meurtre, l'expulsion et les traitements cruels" commis contre les populations musulmanes de Bosnie des enclaves de Srebrenica et de Zepa. (20)

En juin 2007, une plainte a été déposée par le cabinet d'avocats Van Diepen et Van der Kroef, au nom des survivants et parents des victimes de Srebrenica, contre les Pays-Bas et les Nations Unies pour non-respect d'obligations contractuelles, "échec à prévenir un génocide" et "non-déclaration de crimes de guerre". Il est reproché aux 450 Casques Bleus néerlandais, positionnés à proximité de l'enclave et censés la protéger, de n'être pas intervenus face aux attaquants serbes (environ un millier), cela bien que la population ait cherché refuge auprès de leur base (21).

Radovan Karadzic est arrêté par les services secrets serbes à Belgrade le 21 juillet 2008. Ratko Mladic est arrêté le 26 mai 2011 par les forces spéciales serbes à Lazarevo. Le 15 février 2009, Karadzic est accusé par le TPIY de deux génocides. Le premier étant les crimes commis en Bosnie-Herzégovine en 1992, et le second le massacre de Srebrenica en juillet 1995.

En mars 2010, le parlement de Serbie, présidé par Slavica Dukic Dejanovic, du parti socialiste (SPS), reconnait à son tour la responsabilité des Serbes de Bosnie dans le massacre de Srebrenica.

Carte ci-dessous: charniers primaires et secondaires mis à jour en 2012 dans la région de Srebrenica. En août 2013, 6,849 victimes sur les 8,372 ont été indentifiés par les équipes Forensic (police scientifique) internationales.


(15) Témoignage d'un infirmier néerlandais enregistré par le journal David Rohde de l'Associated Press, lui aussi présent dans l'enclave, et cité dans le procès Ministère Public contre Krstic (Case IT-98-33-T). Voir le (18) ci-dessous.

(16) TPIY Radivoje Miletic Indictment (Case IT-04-80-I).

(17) Balkan Watch - The Balkan Institute July 10, 1995, A Weekly Review of Current Events, Volume 2.26 Week in Review July 3–9, 1995.

(18) TPIY Krstic Sentencing Judgement (Case IT-98-33-T). (format doc)

(19) TPIY TPIY, Mladic Indictment (Case IT-95-5/18-I). (format pdf)

(20) Le Figaro, "Un ancien bourreau serbe arrêté", 31 mai 2007.

(21) Libération, "Srebrenica: les Pays-Bas et l'ONU mis en cause", 4 juin 2007.



Opération Deliberate Force: bombardements de l'OTAN (30 août - 20 septembre 1995).

En août 1995, devant l'inefficacité des Casques Bleus de la FORPRONU, l'OTAN intervient directement dans le conflit contre les Serbes de Bosnie: son Secrétaire-Général Willy Claes ordonne une campagne de bombardements aériens contre les positions de l'Armée Serbe de Bosnie (VRS).


Parallèlement, l'Armée Croate de Zagreb (HV) et l'Armée de la Fédération Croato-Musulmane (HVO-ARBiH), au cours d'une offensive conjointe foudroyante de trois jours, l'opération Tempête, reprennent les territoires conquis par la Republika Srpska en 1992-1993 en Herzégovine. Pour Radovan Karadzic, privé désormais de ses bases arrières logistiques d'Herzégovine et de Krajina, c'est le début de la fin (22).

Les attaques alliées sont une réponse au second massacre du Marché de Markale (28 août 1995), à Sarajevo. Elles visent particulièrement les positions d'artillerie serbe sur les collines qui dominent la capitale bosniaque assiégée depuis avril 1992, mais les forces serbes autour de Gorazde, Tuzla et Bihac sont également prises pour cibles.

Environ 400 avions de huit Etats membres de l'OTAN y participent: la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne, la Turquie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le GD de Luxembourg/NATO-AEW. Les bombardements dureront trois semaines et l'aviation alliée effectuera 3,515 sorties, opérant depuis les aérodromes d'Italie et les porte-avions USS Theodore Roosevelt et USS America croisant dans la mer Adriatique.

L'OTAN ne perdra au cours de cette campagne aérienne qu'un seul avion: un Mirage-2000 abattu par un SA-3 Goa le 30 août. Ses deux membres d'équipage seront fait prisonniers par les Serbes et libérés après le conflit. L'Alliance Atlantique forcera finalement Slobodan Milosevic à retirer l'artillerie serbe autour de Sarajevo, et seront un élément déterminant dans les négociations de paix et les Accords de Paix de Dayton.


(22) Blogosphère Mara, Guerre en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)".


Opération Tempête: Offensive finale de l'armée croato-musulmane (4 août - 21 novembre 1995).

L'Opération Storm ("Tempête") est lancée par l'armée croate (HV), en collaboration avec les troupes du Conseil de Défense Croate de l'Herzégovine (HVO) et l'Armée bosniaque (ARBiH), entre les 4 et 7 août 1995. C'est une attaque foudroyante contre la République Serbe de la Krajina, la dernière grande bataille de la guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. De plus, cette offensive bénéficie largement de l'appui de l'aviation de l'OTAN: l'opération Deliberate Force.

Operation Storm - Map-10

Operation Storm - Map-11

En Bosnie-Herzégovine, l'offensive de l'armée croate de Zagreb (HV), en collaboration avec les forces croato-musulmanes bosniaques (HVO-ARBiH), permet de reprendre les territoires conquis par les Serbes au cours des trois années précédentes. Elles assiègent les Serbes dans la poche de Knin, en Croatie, et permettent la levée du siège de Bihac, et d'écraser l'armée serbe de Bosnie-Herzégovine (VRS). Au cours de cette opération, les Croates libèrent également les tristement célèbres camps de concentrations serbes de Trnopolje, Manjaca et Omarska.

Photo ci-dessous: l'artillerie croate-musulmane pilonne les positions serbes de Banja Luka, en Bosnie-Herzégovine, au début août 1995, au cours de l'opération Tempête.


Désormais, les Serbes se retrouvent partout acculés à la défensive. Ils n'ont plus d'autres choix que s'assoir à la table des négociations et d'accepter les Accords de Paix de Dayton, aux Etats-Unis, en novembre 1995. L'opération Tempête est une réussite et est incontestablement le facteur déterminant de la fin des hostilités en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.


Accords de paix de Dayton (1er-21 novembre 1995).

Le 1er novembre 1995, débutent sur la base aérienne de Wright-Patterson AFB, dans l'Ohio, les Accords de paix de Dayton, entre les présidents croate Franjo Tudjman, bosniaque Alija Izetbegovic et serbe Slobodan Milosevic, ce dernier représentant la Republika Srpska de Radovan Karadzic. Ils seront ratifiés à Paris le 14 décembre 1995, mettant ainsi un terme définitif aux deux guerres qui auront ensanglanté l'ex-Yougoslavie pendant quatre ans.


Cette conférence est présidée par le Secrétaire d'Etat Warren Christopher et le diplomate Richard Holbrooke, américains. Sont également présents le représentant spécial de l'Union Européenne, le diplomate suédois Carl Bildt, et le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov.

Ces Accords de paix sont finalement signés à Paris, en présence du Président français Jacques Chirac, le 21 novembre 1995. Sur le terrain, en Bosnie-Herzégovine, une force d'interposition de l'OTAN, l'IFOR, agissant sous mandat des Nations-Unies, remplace désormais les Casques Bleus de la FORPRONU.

En gros, les Serbes de Bosnie, qui contrôlaient plus de 70% du territoire bosniaque au sommet de leur puissance, conservent 46% du pays (23,687 km²), les Croates catholiques reçoivent 25% (12,937 km²), et les Bosniaques musulmans 28% (14,505 km²).

La "Bosnie et Herzégovine" est désormais séparée en deux entitées: la Republika Srpska (capitale: Banja Luka), reconnue par les Croates et les Bosniaques, et la République de Bosnie et d'Herzégovine ou Fédération Croato-Musulmane (capitale: Sarajevo).

Répartition ethnique dans les deux entitées:
  • République Serbe de Bosnie (24,526 km²). Serbes orthodoxes: 88%, Bosniaques musulmans: 8%, Croates catholiques: 4%.
  • République de Bosnie et d'Herzégovine (26,110 km²). Bosniaques musulmans: 70%, Croates catholiques: 28%, Serbes orthodoxes: 1%.

Bilan du conflit en Bosnie-Herzégovine (Avril 1992 - Décembre 1995).

En août 1995, l'armée croate lance une offensive finale sur son territoire, l'opération Tempête (22), et reconquiert avec succès la République serbe de Krajina. 220,000 civils et 30,000 militaires et paramilitaires Serbes quittent alors la RSK pour la République serbe de Bosnie (Republika Srpska) ou la Serbie. Les Serbes de Bosnie, privés de leur soutien et de leurs bases arrières de la Krajina, affaiblis par l'arrivée de réfugiés et ayant une nouvelle armée ennemie à combattre (OTAN) se retrouvent en position de faiblesse et reculent sur leurs positions d'avril 1992, notamment dans l'ouest de la Bosnie-Herzégovine.

Le bilan établit dans l'immédiat après-guerre était estimé à environ 200,000 morts. Depuis, il a été revu à la baisse. Selon un rapport du TPIY publié en 2006, les statistiques font état de 102,622 tués dont 55,261 civils, répartis entre les Croato-Bosniaques (72,000 morts, dont 38,000 civils et 6,000 soldats croates HVO) et les Serbes (30,700 morts dont 16,700 civils et paramilitaires). On dénombre également environ un million de réfugiers dans les deux camps.


Après-guerre: le temps de la Réconciliation (1995-Présent).

1° Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie.

Le nettoyage ethnique a été pratiqué pendant toute la durée de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Les moyens mis en oeuvre passaient par l'intimidation, l'expulsion forcée ou le meurtre en cas de résistance, la destruction des biens abandonnés tels qu'édifices religieux (mosquées, églises, cimetierres), des lieux culturels ou historiques (monuments, écoles, musées, bibliothèques, ...) Les universitaires Matjaz Klemencic et Mitja Zagar ont déclaré: "L'idée générale prônée par les nationalistes en Bosnie-Herzégovine était que les territoires qu'ils contrôlaient soient réorganisés en zones ethniques homogènes, ce qui entraînait de fait une division territoriale et donc l'expulsion d'un territoire multi-ethnique où vivaient ensemble depuis plus d'un millénaire Serbes, Croates et Musulmans.

Selon la Cour Pénale Internationale, tous les protagonistes en présence ont pratiqué le nettoyage ethnique sous une forme ou une autre, dans les territoires qu'ils contrôlaient. Cependant, la grande majorité des responsables des atrocités commises (génocides, meurtres de masses, viols collectifs, déportations, ...) sont Serbes. La plupart des génocides perpétrés par eux (par exemple Srebrenica) le furent à la fin des hostilités.

Dans un rapport rédigé par la CIA en 1995, les forces serbes de Bosnie ont été responsables à 90% des crimes de guerres, crimes de génocides et crimes contre l'humanité commis durant le conflit bosniaque. Les chefs politiques et militaires de la Republika Srpska (RS) (dont Radovan Karadzic et Ratko Mladic) ont été impliqué dans ces crimes, et poursuivis (dans des procédures collectives ou séparées) par le TPIY pour crimes de guerre, crimes de génocides et crimes contre l'humanité.

Ci-dessous, listes des procédures mises en places par la Cour Pénale Internationale, selon la méthodologie appliquée et les différentes procédures pénales engagées.

Actuellement, les deux anciens dirigeants de la République Serbe de Bosnie (Karadzic et Mladic) sont poursuivis pour leurs participation, dans des procès séparés, pour deux crimes de génocides, et d'autres crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Selon les chefs d'accusation suivants:
  1. Crime de génocide. Municipalités: Bratunac, Foca, Kljuc, Kotor Varos, Prijedor, Sanski Most, Vlasenica et Zvornik.
  2. Crime de génocide. Municipalité: Srebrenica.
  3. Persécutions politiques, raciales et religieuses. Crime contre l'humanité. Municipalités: Banja Luka, Bijeljina, Bosanska Krupa, Bosanski Novi, Bratunac, Brcko, Foca, Hadzici, Ilidza, Kalinovik, Kljuc, Kotor Varos, Novi Grad, Novo Sarajevo, Pale, Prijedor, Rogatica, Sanski Most, Sokolac, Trnovo, Vlasenica, Vogosca, Zvornik et Srebrenica.
  4. Extermination. Crime contre l'humanité.
  5. Meurtre. Crime contre l'humanité.
  6. Meurtre. Violations des lois et coutumes de la guerre.
  7. Déportation. Crime contre l'humanité.
  8. Actes inhumains (expulsions forcées). Crimes contre l'humanité.
  9. Actes de violence et de terreur contre des populations civiles. Violations des lois et coutumes de la guerre.
  10. Attaques injustifiées et délibérées contre des populations civiles. Violations des lois et coutumes de la guerre.
  11. Prise en hotage. Violation des lois et coutumes de la guerre.
La Chambre des mises en accusation de la CPI poursuit également en justice des Croates et des Bosniaques. Au début de l'année 2008, 45 Serbes, 12 Croates et 4 Bosniaques ont été reconnus coupables. Les Serbes et les Croates mis en accusations dans ces procès ont fait l'objet de prosédures pour "crimes de guerre systématique", pour reprendre le jargon juridique, selon la doctrine légale du Joint Criminal Enterprise (JCE), ou "entreprise criminelle commune", mise en application par la CPI. Les Bosniaques inculpés, de leur côté, ont fait l'objet de procédures dans des cas individuels, traitées au cas par cas.

Le Tribunal Pénale International pour l'ex-Yougoslavie est créé par l'application de la Résolution 808 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, votée le 22 février 1993, pour traduire en justice les responsables de crimes ou attrocités commises durant les conflits dans les Balkans, quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse. Le tribunal pénal international est la première instance de cette nature mise en place depuis celui que les Alliés avaient instauré à Nuremberg pour poursuivre en justice les Nazis, en 1946.

Photo ci-dessous: façade avant du baptiment de la Cour Pénale Internationale, à La Haie, aux Pays-Bas. 5 novembre 2009.


L'ancien président de la Republika Srpska, Radovan Karadzic, est arrêté le 21 juillet 2008 par la justice serbe, à Belgrade où il vivait sous un nom d'emprunt, puis extradé aux Pays-Bas une semaine plus tard. Détenu dans la prison de Scheveningen, près de La Haye, son procès est actuellement en cours. Il est notamment poursuivit pour crimes de guerre et nettoyage ethnique pratiqué pendant le siège de Sarajevo et c'est lui qui a ordonné (voir la fameuse "Directive n°7") le massacre de Srebrenica.

Son chef militaire, Ratko Mladic, après avoir échappé pendant quinze ans aux forces de police lancées à sa recherche, est finalement arrêté le 26 mai 2011 à Lazarevo, près de Zranjanine, dans la nord de la Serbie. Il est inculpé par la CPI, à l'instar de Karadzic, pour la participation dans les massacres de Srebrenica et le siège de Sarajevo. Lui aussi est détenu à Scheveningen.

Photo ci-dessous: Ratko Mladic en 2011, lors de son procès au TPI de La Haie.



2° Réconciliation: pour conjurer les démons du passé.

Le 6 décembre 2004, le président Boris Tadic présente ses excuses officielles au gouvernement bosniaque, pour "les crimes commis au nom du peuple serbe", et reconnait implicitement la responsabilité des Serbes de Bosnie dans ces massacres.

En avril 2010, pour sa part, le président croate reconnait la responsabilité des crimes commis par les Croates envers les minorités serbes er bosniaques pendant le conflit, et renforce ses relations diplomatiques et commerciales avec le président bosniaque Haris Silajdzic.

Un peu auparavant, le 31 mars 2010, le Parlement serbe a adopté une résolution et fait une déclaration publique, "condamnant fermement le crime abominable et inpréscriptible commis par les Serbes en juillet 1995 contre la population de Srebrenica", et s'excuse auprès des familles des victimes (23). C'est la première mesure de ce genre officialisée par un président serbe, qui espérons-le constitue un exemple à suivre et fera par la suite tâche d'encre...

Le 25 avril 2013 à Belgrade, dix-huit ans après les faits, devant les caméras et les appareils photos du monde entier, le président Tomislav Nikolic reconnait enfin, publiquement et personnellement, la responsabilité de la Republika Srpska dans le massacre de plus de 8,300 Musulmans à Srebrenica, en juillet 1995, et présente ses excuses aux familles des victimes. (24)



Les deux ensembles ethniques et religieux, qui avaient été auparavant ennemis, tentent plus ou moins difficilement de se rapprocher. Mais l'antagonisme et le ressentiment entre les deux sont toujours très vifs.


(23) CNN: Serbian parliament apologizes for Srebrenica massacre".

(24) Telegraph: Serbian president in historic Srebrenica massacre apology



3° Bosnie-et-Herzégovine en 2012.

Aujourd'hui, la Republika Srpska est une des deux entités, avec la Fédération Croato-Musulmane (désignée également "République de Bosnie-Herzégovine"), formant la "Bosnie-et-Herzégovine". Ce qui reste de l'Armée des Serbes de Bosnie est intégrée dans une nouvelle armée bosniaque, constituée après la fin des hostilités en novembre 1995.

L'OTAN, entre 1995 et 2004, a maintenu en Bosnie un contingent militaire, désignée "Force de Stabilisation et de Sécurité" (SFOR), d'un effectif approximatif de 12,000 hommes. Puis un contingent de maintien de la paix sous l'autorité de l'Union Européenne, l'EUFOR, avec 7,000 hommes, lui a succédé.

Les "Forces armées de Bosnie et Herzégovine" (Oruzane snage Bosne i Hercegovine, OSBiH) comptent en 2012 un effectif d'environ 11,700 hommes, 127ème dans le classement mondial des puissances militaires, regroupés au sein d'un commandement de soutien tactique, de trois brigades terrestres et d'une brigade d'appui de défense anti-aérienne. Elles ont repris divers matériel de l'ex-Yougoslavie, d'origine russe ou tchèque, mais l'essentiel de ses nouveaux équipements vient des Etats-Unis, d'Allemagne ou d'Autriche.

Photo ci-dessous: prise d'armes de l'OSBiH le 10 mai 2007.


L'armée bosniaque déploie un petit contingent (entre 37 et 49 militaires) en Irak, intégré dans la Force Multinationale dans le Camp Victory, à Bagdad. Group qui est principalement employé dans des missions de déminage.

Photo ci-dessous: soldats bosniaques en Irak, 2008.


Politiquement, la Republika Srpska administre en 2012 49% du territoire bosniaque, et la Fédération Croato-Musulmane, 51%. Depuis le 14 décembre 2006, la Bosnie-et-Herzégovine est intégrée au "Plan de Partenariat pour la Paix", un programme de coopération bilatérale entre l'OTAN et divers pays européens et du bassin méditeranéen, dont fait d'ailleurs partie aussi la Serbie voisine.

Le président bosniaque actuel est de confession catholique, Zivko Budimir. C'est un ancien officier de l'armée croate de Zagreb (HV) et l'ancien commandant en chef de l'armée bosniaque OSBiH. Poste qui est occupé aujourd'hui par Miladin Milojcic, de confession musulmane. L'OSBiH participe aussi régulièrement à des déploiements ou des manoeuvres de l'OTAN dans la région Sud-Europe/Méditerannée.

Photos ci-dessous: 1° Lieutenant-General Miladin Milojcic accompagné de l'amiral américain Mark Fitzgerald, commandant de la Joint Force Command (JFC) Naples du commandement régional Sud de l'OTAN, lors d'une cérémonie le 26 juin 2009. 2° Passage en revue d'un peloton de l'Armée Bosniaque OSBiH intégré dans l'ISAF/OTAN et déployé en Afghanistan en 2014.



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Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.

Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.













Article modifié le 25 octobre 2019.


Vous pouvez aussi visionner:
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)


Sources principales:
Bosnian War (1992-1995) (Wikipedia.org)
Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour toutes ces explications concernant les guerres de Yougoslavie.
Je suis actuellement en train de travailler sur un projet qui concerne l'ex-Yougoslavie, ton blog m'a été d'une précieuse aide.

Unknown a dit…

Je te remercie de ton dossier très bien fait sur l'Ex-Yougoslavie. Il m'a permis de mieux comprendre les tensions qu'il existe encore dans ces régions.

Anonyme a dit…

Un article bien détaillé, mais j'ai l'impression que l'auteure n'a pas pu s'empêcher de reprendre une certaine désinformation anti-serbe. Rien que le fait de parler "d'agression" alors qu'il s'agit d'une guerre civile intraétatique, d'accuser pratiquement exclusivement le nationalisme serbe alors qu'en vérité les trois nationalismes en Bosnie se sont mutuellement alimentés, d'oublier certains acteurs du conflit comme Fikret Abdic etc... La réalité sur la Yougoslavie était beaucoup moins manichéenne qu'on l'a dit.