Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit au Kosovo (1998-1999)

La province autonome du Kosovo, qui fait alors partie de la République de Serbie, se retrouve elle aussi, tout comme la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, en proie aux tensions communautaires et violences inter-ethniques, entre la minorité serbe et la majorité écrasante (86%) des Albanophones du pays. Les affrontements, qui ont pour origine la suppression de l'autonomie kosovare par Slobodan Milosevic en 1989, aboutissent, en 1998, à une véritable guerre opposant policiers, forces militaires et paramilitaires serbes, d'un côté, aux indépendantistes de l'Armée de Libération du Kosovo (UCK), de l'autre.



Province autonome du Kosovo (1945-1981).

Pour expliquer les évenements qui aboutirent à ce conflit du Kosovo en 1998-1999, il est nécessaire de remonter chronologiquement un peu dans l'histoire des Balkans, aux origines mêmes de la République socialiste yougoslave et de la province autonome du Kosovo, par Jozip "Tito" Broz en 1945 (1).

Les tensions et incidents entres les communautés serbe et albanaise du Kosovo ont perduré tout au long du 20ème siècle, et ont à plusieurs reprises dégénéré en violences, en particulier pendant la Première Guerre balkanique (1912-1913) et les deux guerres mondiales.

Fin décembre 1943, au cours de la Conférence de Bujan qui se tient dans cette localité du Kosovo, Tito reconnait le "droit des Albanais à l'autodetermination". Cependant, le 28 juin 1948, Tito rompt ses relations avec Joseph Staline. Le parti communiste albanais d'Enver Hoxha décide pour sa part de garder son allignement sur l'Union Soviétique. La frontière du Kosovo avec l'Albanie sera par conséquent fermée et strictement contrôlée.

La constitution yougoslave du 31 janvier 1946 garantit le statut de "province socialiste autonome" du Kosovo. Tout au long de son règne, Tito réprime systématiquement toute manifestation nationaliste dans les six Républiques yougoslaves. Il s'assurait qu'aucune d'entre-elle, et en particulier la Serbie, ne cherche à dominer les autres. Mais après sa mort, en mai 1980, toutes les tensions nationalistes qu'il était parvenu à canaliser depuis 1945, ressurgissent. En mars 1981, de violentes manifestations éclatent au Kosovo: les Albanais réclament le statut de République à part entière et leur sécession d'avec la Serbie.


Début des révoltes kosovares (1981).

La communauté internationale commence à entendre parler de "troubles" au Kosovo en 1981. Selon plusieurs dépêches de l'Associated Press, des Kosovars albanais se révoltent contre le pouvoir central serbe, commettent plusieurs meurtres contre la minorité serbe de la province, et saccagent ou détruisent plusieurs bâtiments religieux ou tombes orthodoxes.

En 1982, 33 organisations ou groupes nationalistes kosovars, impliquant de 280 à 800 personnes, sont démantelées par la police serbe. De grandes quantités d'armes sont saisies. A la fin de l'année, depuis le début des révoltes, plus de 20,000 Serbes quittent la province.

En 1987, le journaliste David Binder du New York Times rapporte qu'au cours du "Massacre de Paracin", le 3 septembre, un jeune conscript kosovar de 19 ans a ouvert le feu dans une caserne de l'armée yougoslave (JNA), tué 4 personnes et blessé 5 autres, tous d'origine serbe, avant d'être abattu à son tour.

Un rapport du Secrétaire Fédéral pour la Défense Nationale, l'amiral Branko Mamula, indique qu'à cette date, 216 organisations ou mouvements indépendantistes illégaux, impliquant 1,435 militaires, ont été identifiés au sein même de la JNA, et que plusieurs attentats, meurtres d'officiers, sabotages ou vol de matériel ou de munitions, dans des casernes serbes, ont pu ainsi être éviter.

La répression des Serbes est féroce et fait des dizaines de victimes du côté albanophone. Slobodan Milosevic, devenu l'homme fort du parti communiste serbe après qu'il ait évincé son ami de longue date Ivan Stambolic (1), met en oeuvre deux coups de force dans les provinces autonomes et les républiques liées à la Serbie: la "Révolution des Yaourts" en Voïvodine, en 1988, et la "Révolution anti-bureaucratique" au Monténégro, en janvier 1989.


(1) Blogosphère Mara, Raisons et causes des conflits dans l'ex-Yougoslavie


Kosovo sous le diktat des Serbes (1989-1996).

1° Suppression de l'autonomie du Kosovo (mars 1989).

En mars 1989, Slobodan Milosevic décide de supprimer l'autonomie du Kosovo, pourtant garantie par la constitution yougoslave, et commence à faire remplacer les chefs politiques locaux et des députés serbes au Parlement par des sympathisants qui lui sont totalement inféodés. C'est la goutte qui fait déborder le vase.

Des hommes politiques albanophones s'organisent contre cette suppression d'autonomie. Le 2 juillet 1990, une majorité des députés albanais chassés du parlement de Serbie publient une "déclaration constitutionnelle" faisant du Kosovo une République. Puis, après le référendum populaire des mois de septembre et octobre 1991, une indépendance du Kosovo est proclamée par cette législature parallèle clandestine.


2° Serbinisation du Kosovo (1990-1996).

Après la suppression des autonomies du Kosovo et de Voïvodine, Milosevic franchit une étape supplémentaire en remplaçant les chefs de partis serbes qui montrent de la sympathie pour la population albanaise ou commencent à critiquer sa politique. Ces changements politiques de la Serbie sont officiellement ratifiés le 5 juin 1990.

Ce que l'on appelle la "Serbinisation" du Kosovo commence... 80,000 fonctionnaires d'Etat et de l'Education albanais sont chassés de leur travail et remplacés par des Serbes. Un nouveau système éducatif en langue serbe est mis en place. Les Albanais décident alors de mettre en place leur propre système d'éducation parrallèle, dans la clandestinité.

L'autonomie culturelle albanaise est également rigoureusement réduite par le pouvoir central serbe. L'unique journal kosovar albanophone est interdit, et les émissions radio et télévision en langue albanaise doivent cesser d'émettre.

Désormais, la seule langue officielle autorisée est le serbe. L'université de Pristina, célèbre pour abriter la plus importante communauté nationaliste de la province, est purgée des éléments "indésirables": 22,500 de ses 25,000 étudiants, d'origine kossovare, sont expulsés du campus. Environ 40,000 policiers et militaires serbes remplacent les Albanais dans les forces de l'ordre. Le Kosovo devient très vite un Etat policier. La pauvreté et le chômage atteignent des proportions catastrophiques: environ 80% de la population active albanaise se retrouvent sans emploi. Un tier de la population adulte masculine choisit alors de s'expatrier à l'étranger, en particulier en Allemagne et en Suisse, pour y chercher du travail.

L'écrivain Ibrahim Rugova met sur pied une société parallèle au Kosovo. Le 24 mai 1992, il remporte des élections clandestines et devient le premier président de la "République du Kosovo", mais déçus par l'indifférence de la communauté internationale, certains Albanais rejettent cependant son autorité. C'est un pacifiste qui choisit la "résistance passive" pour lutter contre l'abolition de l'autonomie du Kosovo. Rugova appelle notamment la population albanaise à boycotter l'état fédéral yougoslave et la Serbie, en refusant de payer les impôts et droits de douane.

C'est également lui l'instigateur des systèmes éducatif (écoles, radios, TV) et de santé (hopitaux) parallèles clandestins mis en place par les Albanais.

En dépit du harcèlement et de la violence des forces de sécurité serbes, le référendum pour la création d'une "république indépendante du Kosovo", en septembre 1991, est suivie par 90% des Albanais de la province, et 98% des votants y sont favorables. En mai 1992, un deuxième référendum élit Rugova comme premier président (clandestin) du Kosovo. De son côté, le pouvoir serbe déclare les deux référendums illégaux et leurs résultats nuls et non avenus.


Chemin vers la guerre (1996-1998).

Cette politique de résistance passive de Rugova permettra au Kosovo de rester en-dehors des conflits qui secouent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, de 1991 à 1995.

C'est en février 1996 que l'on entend parler pour la première fois de l'"Armée de Libération du Kosovo" (ALK), mieux connue sous son sigle albanais UCK pour Ushtria Clirimtare e Kosoves.

Ci-dessous: emblèmes et drapeaux des différentes parties en présence. 1° Fédération Yougoslavie (Milosevic). 2° Serbie. 3° OTAN. 4° Albanophones Kosovars. 5° UCK.


Déçus par le manque de réaction de la communauté internationale et la politique de résistance passive de Rugova, des radicaux albanais, tels Adem Demaçi et Rexhep Qosjas, choisissent la voie de la lutte armée contre les Serbes.

La répression policière serbe radicalise un nombre croissant d'Albanais du Kosovo, qui décident que seule la résistance armée permettra d'obtenir les changements politiques. En avril 1996, la guerrilla albanaise lance simultanément quatre attaques contre des postes de police ou des bâtiments des forces de sécurité serbes au Kosovo. Ces attaques seront revendiquées par l'UCK.

Au début, on doute de l'existance de cette UCK. Ibrahim Rugova attribue les attaques à des agents provocateurs serbes. Toutefois, l'existance du mouvement albanais ne fait bientôt plus aucun doute. Les autorités serbes l'accusent de terrorisme et en représailles, accroissent encore la répression et les effectifs des forces de sécurité dans la province rebelle. Ces mesures ont l'effet pervers de promouvoir la popularité de l'UCK parmi les Albanais, alors qu'elle n'en est encore qu'à ses balbutiements.

L'UCK est née en 1991, le financement du mouvement étant assuré par la diaspora albanaise en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que par le trafic d'héroïne en provenance de Turquie (2).

En 1996, celle-ci amorce donc une campagne de guerilla et de terrorisme en détruisant des postes et des bâtiments des forces de sécurité, en assassinant des policiers et des garde-frontières serbes ainsi que des Albanais collaborateurs. En représailles, les Serbes exécutent de violentes contre-mesures policières et militaires.

1997 marque un tournant, avec la chute du gouvernement de Sali Berisha en Albanie. L'UCK profite du pillage des casernes et des dépôts d'armes pour s'armer et se renforcer considérablement.

Jusqu'en février 1998, les Etats-Unis considèrent l'UCK comme une organisation terroriste soutenue en partie par le trafic d'héroïne. Le représentant spécial du président Bill Clinton dans les Balkans, Robert Gelbart, la décrit comme "sans aucun doute un groupe terroriste" (3).


(2) Written Testimony of Ralf Mutschke Assistant Director, Criminal Intelligence Directorate International Criminal Police Organization - Interpol General Secretariat before a hearing of the Committee on the Judiciary Subcommittee on Crime (2000-12-13). "The Threat Posed by the Convergence of Organized Crime, Drugs Trafficking and Terrorism.". US House Judiciary Committee. Retrieved on 2008-05-31. "In 1998, the US State Department listed the KLA as a terrorist organization".

(3) Terrorist Groups and Political Legitimacy - Council of Foreign Relations.



Guerre du Kosovo (1998-1999).

La communauté internationale réagit à la crise kosovare en 1998 en créant un "Groupe de contact" composé de l'Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la Russie. Ceux-ci font d'ultimes efforts diplomatiques pour résoudre la crise entre janvier et mars 1999 lors de la Conférence de Rambouillet, en France, suite à des allégations de massacres alors que les violences intercommunautaires se multiplient.

Au Kosovo, le 28 février 1998, un groupe de combattants de l'UCK commandé par Adem Jashari, un leader albanais responsable de l'Armée de libération du Kosovo dans la vallée de la Drenica, attaque des patrouilles serbes de police, tuant quatre policiers et en blessant deux autres. Au cours de cette attaque, 16 membres de l'UCK sont tués.

La semaine suivante, le même groupe lance une seconde attaque contre des patrouilles de police dans Donje Prekaze. Mais l'assaut albanais est repousé, et les assaillants doivent se réfugier dans la demeure de Jashari. Au cours de l'assaut serbe qui suit, les 38 membres de l'UCK encerclés, dont Jashari, sont tués, ainsi que 28 civils albanais. Aux yeux de ceux-ci, Jashari devient un des symboles et un martyr de la lutte pour l'indépendance du Kosovo.


1° Massacres serbes de la Drina (février-mars 1998).

A partir de février-mars 1998, dans la vallée de la Drenica, les Serbes entreprennent une série de massacres et de tueries au Kosovo (Prekaz, Qirez, Likoshan, Izbica, etc.) pour y provoquer une révolte de la population, albanaise à 88%, et ainsi neutraliser l'opposition serbe sous prétexte d'urgence patriotique. En effet, après les accords de Dayton de 1995, la population serbe, lassée des projets de "Grande Serbie" ethniquement pure de Milosevic, lui demande des comptes et vote contre lui: son parti perd les élections municipales de novembre 1996, et l'opposition devra manifester jour et nuit jusqu'en février 1997 pour qu'il finisse par reconnaître les vrais résultats. En juillet 1997, il est néanmoins élu à la présidence de la "République fédérale de Yougoslavie" (RFY).

Le 1er mars 1998, en réponse à une attaque de l'UCK contre un poste de police, les forces spéciales serbes encerclent les villages de Quirez et de Likoshan, dans la vallée de la Drina, 29 civils (dont 5 à Quirez), selon des sources kosovars, sont assassinés. Le 5 mars suivant, les Serbes massacrent, au cours des combats avec les indépendantistes de Jashari (voir plus haut), 28 autres civils kosovars.

Ci-dessous: charnier d'Izbica, au Kosovo, photographié en 1999.



2° Purification ethnique serbe au Kosovo (mars 1998 - juin 1999).

Le 3 mars 1998, 50,000 personnes assistent aux funérailles des 24 victimes civiles de Likoshan. Au cours de ce mois, dans le but d'éradiquer une fois pour toute l'UCK, Slobodan Milosevic fait intervenir massivement l'Armée fédérale yougoslave (JNA) et lance une offensive généralisée au Kosovo. Il fait expulser de leur maison entre 900,000 et un million de Kosovars vers l'Albanie, la Macédoine et le Montenegro. Human Rights Watch (HRW) a estimé que les forces serbes, entre mars 1998 et février 1999, ont expulsé 862,979 Albanophones du Kosovo vers les pays voisins. Et des centaines de milliers d'autres errent sur les routes à l'intérieur même de la province.

Au total, plus de 80% de toute la population albanaise du Kosovo (1.6 million de personnes) est ainsi chassée de ses foyers, plus de la moitié trouve refuge et vivant dans d'immenses camps de réfugiers improvisés dans les pays limitrophes, mais essentiellement en Albanie. Le plus célèbre et le plus important d'entre-eux est le camp de Kukes, qui abritera près d'un demi-million de personnes.


En un an, près de 300 villages kosovars sont ainsi vidés de leur population et incendiés, environ 30,000 maisons, batiments culturels ou religieux sacagés, pillés ou endommagés.



Le 24 mars 1998, la JNA encercle le village de Glodjane, qui constitue l'un des plus importants bastions de l'UCK. Mais malgré leur supériorité, les forces serbes ne perviennent pas à réduire la poche de résistance. Un autre bastion important de l'UCK est la vallée de la Drenica et en particulier de la zone de Tropoje, qui contrôle la frontière entre l'Albanie et le Kosovo, et par où transite le ravitaillement en arme des indépendantistes.

Parallèlement, la diplomatie serbe poursuit ses efforts pour parvenir à un accord avec le gouvernement d'Ibrahim Rugova. Mais plusieurs rencontres n'aboutissent à rien. A Belgrade, un nouveau gouvernement est formé, dirigé par le Parti socialiste et le Parti Radical serbe (SRS). L'ultra-nationaliste Vojislav Seselj devient Vice-Premier ministre. Le résultat des élections radicalise encore la partie serbe et l'éloigne un peu plus d'un accord diplomatique avec le gouvernement de Rugova.

C'est désormais l'escalade, la Serbie rejetant maintenant toute tentative de médiation internationale de la crise au Kosovo. Le 31 mai 1998, la JNA et la police serbe entreprennent des opérations pour éliminer des bastions de l'UCK dans la zone frontalière entre la Serbie et le Kosovo. Le 15 juin suivant, l'OTAN répond à l'offensive serbe en lançant l'opération Determined Falcon, des démonstrations de force dissuasives de l'aviation le long de la frontière.

Pendant ce temps, le président yougoslave Slobodan Milosevic obtient un arrangement avec le russe Boris Yeltsine pour stopper son offensive et reprendre les négociations avec les Kosovars, qui de leur côté refusent de parler avec les Serbes de la province, et ne veulent plus s'entretenir qu'avec des représentant du gouvernement fédéral yougoslave. La seule rencontre entre Milosevic et Rugova a lieu le 15 mai 1998 à Belgrade.

Un mois plus tard, l'envoyé spécial du président américain Bill Clinton dans les Balkans, Richard Holbrooke, après un voyage à Belgrade où il a menacé Milosevic que "s'il n'obeissait pas aux injonctions de la communauté internationale, ce qu'il reste de la Yougoslavie imploserait", visite la région frontalière de la Serbie où se déroulent des combats entre l'UCK et la JNA. En février 1998, les Etats-Unis retirent l'UCK de leur liste des mouvement terroristes, et maintenant prennent de plus en plus ouvertement le côté des indépendantistes kosovars. La Russie, de son côté, soutient indéfectiblement Milosevic et l'armée serbe.

Les accords conclus entre Milosevic et Yeltsine, en juin 1998, permettent la mise en place d'une représentation internationale au Kosovo pour observer l'évolution de la situation sur place. C'est la "Mission d'Observation Diplomatique au Kosovo", en anglais Kosovo Diplomatic Observer Mission (KDOM), qui commence à opérer à partir du mois de juillet 1998. Le gouvernement américain accueille favorablement cette partie des accors russo-serbes, mais il dénonce les initiatives appellant à un cessez-le-feu mutuel.

Sur le terrain, en juin et durant la première moitié de juillet 1998, l'UCK garde ses bastions. Mieux encore: les indépendantistes kosovars reprennent l'initiative des opérations et lancent des contre-attaques victorieuses. L'UCK encercle des unités militaires serbes dans Pec et Djakovica, parvient à pénétrer dans Suva Reka, et progresse au nord et à l'ouest de Pristina. Le vent tourne le 15 juillet 1998 lorsque l'UCK s'empare d'Orahovac. A la mi-septembre 1998, pour la première fois du conflit, on enregistre une activité de l'UCK dans le nord du Kosovo, autour de Podujevo.


"Incident de Racak" (15 janvier 1999).

L'"incident de Racak", également appellée "Massacre de Racak", est un épisode de la guerre du Kosovo qui s'est déroulé le 15 janvier 1999 dans le village de Racak, dans le centre de la province. Racak comptait au début de 1998 environ 2,000 habitants mais, en raison des combats et des déplacements forcés de la population civile, seuls 350 Albanophones y vivent encore en janvier 1999 (4).

Dans cette région, l'activité de l'UCK est importante et la localité sert de base logistique et de position de repli aux indépendantistes. Région d'où partent également les attaques contre les forces de sécurité et les policiers serbes. En réponses à ces attaques, Belgrade établit un cordon de sécurité autour de Racak et plusieurs autres villages voisins. Mais le 15 janvier 1999, un rapport arrive à la "Mission de Vérification au Kosovo" (KVM), selon lequel un observateur de l'OSCE a été témoin d'un massacre de civils par les forces de sécurité serbes.

La KVM demande l'autorisation de se rendre dans Racak, mais les Serbes refusent. Dès lors, les membres de la KVM observent les combats entre l'UCK et la JNA à partir du sommet d'une colline voisine. Ce n'est que le lendemain, 16 janvier 1999, qu'ils sont autorisés à se rendre sur place, mais ils se voient toujours refusé le droit d'interroger les habitants ou d'entreprendre des fouilles ou des vérifications dans et autour de cette zone (5).


Accompagnés de journalistes étrangers et de membres de la "Mission d'Observation de l'OSCE au Kosovo et de l'Union Européenne, les observateurs de la KVM découvrent sur place, dans et autour de Racak, 40 cadavres. Cinq corps ayant été récupérés par leur famille, le nombre total de victimes s'établit donc à 45, dont un enfant de douze ans et trois femmes. Tous les 40 corps retrouvés par l'OSCE portent des traces de blessures mortelles par armes à feu, et certains d'entre-eux ont été décapités.

William Walker, le chef de la Mission d'Observation de l'OSCE au Kosovo, présent sur place, témoignera par écrit:

"In a gully above the village, I saw the first body. It was covered with a blanket, and when it was pulled back, I saw there was no head on the corps — just an incredibly bloody mess on the neck. Someone told me that the skull was on the other side of the gully and asked if I wanted to see that. But I said, "No, I've pretty much got this story." [Three more bodies were found.] They looked like older men, with gray hair or white hair... They had wounds on their heads, and there was blood on their clothes. [Then a larger group of bodies.] I didn't count them. I just looked and saw a lot of holes in the head - in the top of the head and the back of the head. A couple had what appeared to be bullet wounds knocking out their eyes. I was told there were other bodies further up and over the crest of the hill, and I was asked by journalists and inspectors if I was going to go up and see the rest. I said, I've seen enough." (6)

Une controverse s'est alors rapidement développée: s'agissait-il effectivement de civils délibérement massacrés, donc d'un crime de guerre, position de William Walker, ou bien d'une mise en scène destinée à camoufler un accrochage entre l'armée de libération du Kosovo (UCK) et les forces de sécurité serbes, position du gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (RFY). Quoiqu'il en soit, c'est le seul incident antérieur à la campagne de bombardements de l'OTAN ayant donné lieu à une accusation de crime de guerre.

Fin janvier 1999, les Etats-Unis affirment avoir intercepté et enregistré des conversations téléphoniques prouvant le rôle de Belgrade dans le massacre. Selon le Washington Post, ces enregistrements montrent que le Premier ministre serbe, Nikola Sainovic, et le ministre de l'Intérieur, Sreten Lukic, se sont inquiéter des réactions à l'assaut sur Racak et discutent de la manière dont on pouvait mettre cela en scène comme une attaque des troupes gouvernementales contre l'UCK. Sainovic a également donné l'ordre que le procureur du TPIY Louise Arbour ne soit pas admise dans le pays (7). Par la suite, le TPIY considéra cet événement comme un crime de guerre, et le président yougoslave Slobodan Milosevic sera accusé d'en être responsable.

Cependant, dès janvier 1999, des correspondants locaux de journaux comme Le Figaro ou Le Monde émettent des doutes sur la version de William Walker (8). Plusieurs pays, dont l'Allemagne et l'Italie, demandent même à l'OSCE de renvoyer Walker, à la lumière d'informations reçues de contrôleurs de l'OSCE au Kosovo selon lesquelles les corps de Racak "n'étaient pas, comme le prétend Walker, des victimes d'un massacre serbe de civils" mais ceux de combattants de l'UCK tués au combat (9).

En octobre 2008, le docteur finlandais Helena Renta, qui était alors responsable à cette époque de l'équipe d'enquêteurs internationaux chargée sur place du rapport sur les événements, parle de cet événement dans sa biographie. Selon le journal B.I., elle y affirme avoir été soumise à des pressions de la part du chef de la mission de l'OSCE, William Walker, ainsi que du ministère des affaires étrangères finlandais. Elle a dû, à l'époque, dissimuler le fait qu'il s'agissait bien de combattants de l'UCK qui étaient impliqués, comme l'affirmait le gouvernement yougoslave, et non de civils albanais (10).


(4) Recensement de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).

(5) Kosovo/Kosova: As Seen, As Told - Part V: The Municipalities - Stimlje/Shtime. OSCE, 1999.

(6) Ivo H. Daalder, Michael E. O'Hanlon, Winning Ugly: NATO's War to Save Kosovo, pages 63-64. Brookings Institution Press, 2001. ISBN 0815716966.

(7) R. Jeffrey Smith. Serbs Tried To Cover Up Massacre - Kosovo Reprisal Plot Bared by Phone Taps. Washington Post, 28 January 1999.

(8) Nuages noirs sur un massacre, Le Figaro, 20 janvier 1999. Les morts de Racak ont-ils réellement été massacrés de sang-froid?, Christophe Châtelot, Le Monde, 21 janvier 1999.

(9) Rapporté par le Berliner Zeitung, le 13 mars 1999.

(10) Le prétexte qui a justifié le bombardement de la Yougoslavie était un énorme mensonge, Louis Magnin, B.I., décembre 2008.



Conférence de Rambouillet (6 février - 18 mars 1999).

La Conférence de Rambouillet s'ouvre le 6 février 1999 dans le Château de Rambouillet, en France, et est présidé par le Secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, qui servira de médiateur entre les deux parties en présence. La conférence doit en principe se terminer le 19 février, mais elle se poursuivra jusqu'au 18 mars.


La délégation serbe est conduite par le président de la Serbie, Milan Milutinovic, représentant Slobodan Milosevic. Le Premier ministre du gouvernement d'Ibrahim Rugova, Hashim Thaçi, dirige la délégation kosovare.

La première partie des négociations se déroule assez bien, et le 23 février, un consensus est obtenu, les Serbes reconnaissant le principe d'autonomie du Kosovo, comportant des élections libres et régulières d'institutions démocratiques pour le gouvernement de la province, une protection des droits humains, en particulier des minorités ethniques, et la mise en place d'un système judiciaire équilibré. Le cadre politique étant alors jugé réglé, reste à discuter des modalités d'applications, notamment en ce qui concernait une présence internationale au Kosovo.

Après ce succès, l'OTAN cherche, notamment sous l'influence du diplomate américain James P. Rubin et de la Secrétaire d'Etat Madeleine Albright, à imposer une présence militaire au Kosovo. L'OTAN se rapproche ainsi de la position des indépendantistes kosovars, ceci bien que la majorité des violations du cessez-le-feu est du fait de l'UCK, selon les propos du général Klaus Naumann, représentant la commission militaire de l'OTAN, tels que rapportés par l'ambassadeur américain au Conseil de l'Atlantique Nord (NAC), William Walker.

Finalement, le 18 mars 1999, les délégations albanaise, américaine et britannique signent ce qui est connu sous le nom d'"Accords de Rambouillet", document qui est cependant refusé par les Serbes et les Russes.

L'échec des négociations est souvent présenté comme dû à l'intransigeance de Milosevic, même si le rôle des Américains est aussi souvent critiqué. Le journaliste Jürgen Elsässer, quant à lui, affirme que la responsabilité de l'échec incombe en premier lieu au rôle joué par l'Allemagne (11).

La cause principale du refus des délégations serbe et russe est la présence militaire imposée par l'OTAN, en particulier tel que stipulé dans l'annexe-B, alors classée secrète. Cette annexe, présentée à la fin des négociations et sans qu'il soit véritablement possible de la discuter, stipule qu'une force de 30,000 hommes de l'OTAN maintiendra l'ordre au Kosovo, bénéficiant d'une liberté de circulation totale non seulement au Kosovo mais également dans tout le territoire yougoslave, ainsi qu'une immunité face aux lois yougoslaves.

Ces conditions sont jugés inacceptables par la partie serbe, ainsi que par de nombreux commentateurs occidentaux. Le journaliste allemand Rudolf Augstein, par exemple, juge que "les Etats-Unis avaient, à Rambouillet, posé des conditions militaires qu'aucun Serbe à instruction scolaire de niveau élémentaire n'aurait pu signer" (12), tandis que le parlementaire Hermann Scheer (SPD) qualifia cette annexe de "statut d'occupation par l'OTAN de toute la Yougoslavie", déclarant que "même un politicien modéré n'aurait jamais signé ce texte" (13).


(11) Jürgen Elsässer, La RFA dans la guerre au Kosovo - Chapitre IV. L'Harmattan, 2002.

(12) Spiegel, 18 mars 1999.

(13) Cité par Andreas Zumach dans Krieg im Kosovo (Thomas Schmid Ed.), Reinbeck, 1999, page 75.



Opération Allied Force: bombardements de l'OTAN (24 mars - 10 juin 1999).

L'opération Allied Force désigne les missions de bombardement menées par l'OTAN en Serbie et au Kosovo, du 24 mars au 10 juin 1999. C'est la seconde campagne offensive de l'Alliance Atlantique dans les Balkans, après l'opération Deliberate Force de septembre 1995 lancée en Bosnie-Herzégovine.

Photo ci-dessous: un F-15 de l'USAF décolle d'Aviano, en Italie, vers le Kosovo.


Objectifs de l'OTAN, publiés dans la presse le 12 avril 1999:
  1. Stopper toutes les actions militaires et mettre fin immédiatement aux violences et à la répression serbe.
  2. Retrait du Kosovo de toutes les forces militaires, paramilitaires et policières serbes.
  3. Autoriser le déploiement d'une force militaire internationale de l'OTAN (KFOR).
  4. Permettre le retour inconditionnel dans leur foyer des centaines de milliers de réfugiers kosovars chassés par les Serbes dans les pays voisins.
  5. Mettre fin à la crise humanitaire dans les Balkans.
  6. Etablissement d'un accord-cadre politique (political framework) au Kosovo, basé sur les Accords de Rambouillet, en confirmité avec les lois internationales et la Charte des Nations-Unies.

L'opération Allied Force est menée par l'aviation des membres de l'OTAN, et vise les infrastructures militaires, industrielles (usines), les médias (radios, télécommunications), les réseaux routiers et ferroviaires, en Serbie et au Kosovo. 1,055 avions et hélicoptères de treize pays différents y participent, à partir de Grande-Bretagne, d'Italie, de Macédoine, de Turquie, d'Albanie et de Hongrie, ou de porte-avions de l'US Navy en Méditerrannée: Etats-Unis (730), France (87), Hongrie (50), Italie (39), Royaume-Uni (38), Pays-Bas (22), Canada (18), Allemagne (15), Danemark (9), Espagne (8), Norvège (6), GD-Luxembourg/NATO (4), Portugal (3).

Les opérations aériennes de l'Alliance Atlantique sont dirigées directement par le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), le général américain Wesley K. Clark, depuis son GQG de Mons, en Belgique. Les forces aériennes sont bien sûr dominés par les Etats-Unis, qui allignent à eux seuls les trois quarts des avions engagés: F-15C Eagle, F-15E Strike Eagle, F/A-18 Hornet, F-16CJ Fighting Falon, F-117 Nighthawk, A-10 Thunderbolt II, B-52H Stratofortress, B-1B Lancer, KC-10 Extender et KC-135 Stratotanker, EC-135 Looking Glass, AH-1 Cobra et AH-64 Apache. La France alligne pour sa part 87 avions et hélicoptères: Mirage 2000C/D, Mirage F-1CR, Jaguar, E-3F Sentry, KC-135F Stratotanker, C-160 Gabriel, Super Etendard, SA330 Puma, etc. Pour la Luftwaffe, c'est le premier déploiement militaire à l'étranger depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des avions d'attaque Tornado.

Le groupe aéronaval Theodore Roosevelt, auquel sont incorporés le porte-avions Foch et plusieurs frégates françaises, croise en mer Adriatique et son aviation embarquée participe également à la campagne aérienne alliée.

Pendant 78 jours, l'OTAN mènera contre la Serbie 58,574 sorties aériennes. Elle ne perdra que deux avions et un hélicoptère, tous américains: un F-117 abattus par un SA-3 Goa, ainsi qu'un F-16C et un AH-64 perdus par accident respectivement en Serbie et en Macédoine.

Les pertes humaines de l'OTAN durant cette période s'établieront à trois tués. Les deux membres d'équipage de l'hélicoptère américain perdus en Macédoine, et un membre des commandos britanniques SAS, le sergent Robert Lyon, tué au cours d'un engagement avec l'Armée serbe en Bosnie le 13 mai 1999.

Photo ci-dessous: 1° Canopée du F-117 abattus par la DCA serbe, et exposé au Musée de l'Air de Belgrade. 2° Inspection des débris d'un MiG-29 serbe.



Les Serbes perdent durant cette campagne au moins cinq chasseurs MiG-29 en combats aériens. 462 soldats et 114 membres de forces de sécurité ont été tués, selon le Ministère de l'information yougoslave (14).

Au cours de cette période, l'US Air Force et l'US Navy effectueront notamment 4,397 missions anti-radars dites SEAD pour Suppression of Enemy Air Defense, ou Wild Weasel ("Belette Sauvage"), des missions contre des sites de missiles SAM menées par des F-16CJ et des F/A-18C équipés de missiles AGM-88 HARM. Des dizaines de missiles de croisière BGM-109 Tomahawk seront également tirés à partir des navires de guerre américains dans la mer Adriatique.

Photos ci-dessous: 1° F-16C SEAD (pour Suppression of Enemy Air Defense) américain équipé de missiles AIM-120, AIM-9 et AGM-88. 2° Quartier-général de la JNA, à Belgrade.



Une des cibles les plus spectaculaires détruites par l'US Air Force est l'immeuble abritant le quartier-général de l'Armée fédérale yougoslave (JNA) à Belgrade. Malheureusement, comme c'est la règle générale dans tout conflit, l'OTAN eût malheureusement des dommages collatéraux et des bavures à enregistrer. Les statistiques publiées par l'organisation Human Right Watch (15) établieront que 489 à 528 civils ont été tués par des avions alliés, dans neuf "incidents" séparés. Environ deux tiers d'entre-eux (303 à 352) étaient des réfugiers kosovars.

Le cas de bavure le plus célèbre est sans conteste l'ambassade chinoise à Belgrade, que les services de renseignement ELINT de l'OTAN ont confondu avec un centre de communication militaire serbe, touchée dans la nuit du 7 au 8 mai 1999 par trois missiles Tomahawk.

Un F-117 abattu et des bavures et accidents alliés que bien sûrs la propagande serbe récupère et monte en épingle pour démontrer le "barbarisme" des Alliés, et en particulier des Américains. Dans le cas de l'ambassade chinoise bombardée, Belgrade affirmera (sans rire) que cette bavure a fait plus de "300 victimes", alors qu'en réalité l'attaque n'a causé que 3 tués et 20 blessés, de source chinoise. L'OTAN présentera d'ailleurs ses excuses au gouvernement chinois.

Rappel de la catastrophe humanitaire: lorsque débutent les bombardements de l'OTAN, entre 900,000 et un million d'Albanais chassés de leur foyer survivent dans d'immenses camps de réfugiers établis dans les pays limitrophes, en Albanie, en Macédoine et au Monténégro. On estime également que 300,000 autres déplacés de force errent encore à l'intérieur du Kosovo.

Allied Force, qui au départ ne devait durer que quelques jours, prend fin le 10 juin 1999 lorsque Slobodan Milosevic accepte enfin les conditions des Accords de Rambouillet et commence à retirer la JNA du Kosovo.

Deux jours plus tard, le 12 juin 1999, débute l'opération Joint Guardian: conformément aux Accords de Rambouillet et à la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l'ONU, une force de maintien de la paix de l'OTAN, la KFOR, à laquelle participent les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Italie et la France, commence à être déployée au Kosovo. Pied de nez: le 13 juin 1999, au nez et à la barbe des forces de l'OTAN, une unité motorisée de l'armée russe occupe l'aérodrome de Pristina.

Photos ci-dessous: 1° char Leopard 2 de la Bundeswehr au Kosovo. 2° Sur une route du Kosovo, un M1A2 Abrams américain croise un T-55 serbe de la JNA.




(14) Milosevic proclaims victory with end to Kosovo conflict, CNN.com, 10 juin 1999.

(15) Civilian deaths in the NATO air campaign - The Crisis of Kosovo, Human Right Watch.



Critiques sur le déclenchement des frappes de l'OTAN.

Un nombre de critiques se sont élevés depuis la fin des hostilités. Elle accusent la coalition (dirigée par les Etats-Unis) d'être intervenue sous le faux prétexte d'"un génocide". Le président Bill Clinton est accusé d'avoir largement "gonfler" le nombre de victimes albanaises tués par les Serbes. Son Secrétaire de la Défense, William Cohen, prenant la parole lors d'un discours, déclare: "Devant le nombre sans cesse grandissant de personnes tuées au Kosovo et les images de refugirers fuyant l'oppression serbe, il est désormais clair que nous devons intervenir pour faire cesser ce génocide". Sur CNN, il déclare un peu plus tard: "Nous constatons maintenant que 100,000 adultes en âge d'être enrôlés ont disparus... ils ont probablement été assassinés (16)." Clinton, le 13 mai 1999, dans une annonce du même genre, reprend pratiquement les mêmes mots.

Accusant les Serbes de pratiquer le nettoyage ethnique comme ils l'ont fait en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, au cours d'une conférence de presse sur CNN, le président américain compare leurs actions à l'Holocauste dont ont été victimes les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale (17). Il demande au public américain et au Congrès son soutien pour intervenir militairement contre Milosevic.

Le Département d'Etat répète pour sa part que les forces serbes au Kosovo commettent un génocide. Il établit en outre une estimation du nombre d'Albanais tués, le 19 avril 1999, en déclarant: "Un demi-million de kosovars ont disparus et sont sans doute morts" (la population albanophone du Kosovo était estimée avant guerre, en 1998, entre 1.3 et 1.6 million d'habitants).

Après le bombardement accidental de son ambassade à Belgrade, le Premier Secrétaire Jiang Zemin déclare que les Etats-Unis profitent de leur supériorité économique et de leur puissance militaire pour s'imposer et interférer dans les affaires intérieurs d'autres pays. Les dirigents chinois désignent la campagne de bombardement menée alors par l'OTAN comme "une agression caractérisée contre un Etat souverain" et l'accusent de pratiquer "une nouvelle forme de colonialisme". Ils y voient un "complot" de Washington visant à détruire la Fédération yougoslave (réduite alors à la Serbie et au Monténégro) et à étendre leur sphère d'influence en Europe vers l'Est.

Beaucoup de personnalités de gauche dans les pays occidentaux voient dans la campagne de l'OTAN une "agression américaine impérialiste". Noam Chomsky, Edward Said et Tariq Ali sont violemment opposé à l'intervention des Etats-Unis. Cependant, comparée aux vagues de protestation contre l'invasion de l'Irak en 2003, celle contre les bombardements au Kosovo mobilise beaucoup moins de militants.

Les dirigents classés politiquement au centre-gauche ou libéraux-démocrates (Premiers ministres britannique Tony Blair, canadien Jean Chrétien et italien Massimo d'Alema, et le Chancellier allemand Gerhard Schroeder), même s'ils se rangent massivement derrière Clinton, émettent quelques réserves. Les vagues de protestations aux Etats-Unis touchent surtout l'extrême-gauche, les Libertariens de droite conservateurs et non-interventionnistes, et bien sûr la communauté immigrée américano-serbe. Tandis que la grande majorité de la gauche politique américaine, sur fond d'"ingérence humanitaire", approuvent Clinton.

Pour lutter contre ces critiques qui fusent de toute part, l'OTAN se targue de mener une "guerre propre" et d'utiliser exclusivement des munitions de précision (missiles ou bombes guidées). Le Département de la Défense américain proclame, le 2 juin 1999, que 99.6% des 20,000 bombes et missiles employés ont atteint leurs cibles. Cependant, les armes contenant de l'Uranium Appauvri ou des sous-munitions (Cluster Bombes) déclenchent d'autres violentes protestations.

Dans les années qui suivent, la faible progression du processus de paix et de normalisation lancée sous le contrôle des Nations-Unies, est elle-aussi sévèrement critiquée.


(16) Tom Daggett, 16 mai 1999, Cohen Fears 100,000 Kosovo Men Killed by Serbs, Washington Post.

(17) Bill Clinton, 25 juin 1999, Press conference by the President.



Crimes de guerre au Kosovo.

1° Crimes de guerre serbes.

La Cour Pénale internationale pour l'ex-Yougoslavie (ICTY/CPIY) a inculpé Slobodan Milosevic, le président de la Fédération Yougoslave, de crime contre l'humanité, de violation des lois et coutumes de la guerre, selon les conventions de Genève, et de crime de génocide, pour sa responsabilité dans le déclenchement des conflits en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, et maintenant au Kosovo.

Bien avant la fin des bombardements de l'OTAN, outre Milosevic, l'ICTY traduit également devant les tribunaux Milan Milutovic, le président de la Serbie (1997-2002), Nikola Sainovic, du Parti Socialiste serbe, le général Dragoljub Ojdanic, ancien chef d'Etat-major de l'Armée yougoslave (JNA), et Vlajko Stojiljkovic, Ministre des Affaires Intérieures (1997-2000), pour crimes contre l'humanité, meurtres, expulsions forcées, déportations, persécutions politiques, raciales ou religieuses.

Plusieurs autres prosédures sont engagées en octobre 2003, contre Nebojsa Pavkovic, actuel chef d'Etat-major de la JNA, Vladimir Lazarevic, commandant des forces serbes au Kosovo, Vlastimir Dordevic, chef de la police, et Sreten Lukic, commandant des forces de sécurité. Tous sont inculpés de crimes contre l'humanité et de violations des lois et coutumes de la guerre.

D'autres poursuites judiciaires encore sont engagées, dans la catégories des crimes de guerre, contre de nombreux militaires de grades inférieurs. Ainsi, le soldat Ivan Nikolic est reconnu coupable, en 2002, de crimes de guerre et du meurtre de deux civils kosovars. Des soldats serbes sont aussi poursuivis par les tribunaux militaires de leur pays, pour leurs actes commis durant la guerre au Kosovo.


2° Crimes de guerre de l'UCK/KLA.

La CPIY de La Haye ne poursuit pas seulement des Serbes, mais également des membres ou anciens membres de l'UCK. Comme par exemples Fatmir Limaj, Haradin Bala, Isak Musliu et Agim Murtezi. Ils sont arrêtés les 17 et 18 février 2003, et inculpés de crimes contre l'humanité. Les charges retenues contre Murtezi sont par la suite abandonnées, en raison d'une erreur d'homonymie. Limaj est acquitté le 30 novembre 2005 et relâché.

En 2008, l'ancien Procureur de la CPIY, Carla Del Ponte, publie un livre dans lequel elle accuse des kosovars d'avoir participé, à la fin du conflit en 1999, à un trafic d'organes (100-300 victimes serbes ou d'autres minorités) à destination de l'Albanie voisine. Suite à ces allégations, les justices de la CPIY et serbe ont entamé plusieurs investigations (toujours en cours aujourd'hui) et reccueillis plusieurs témoignages de témoins (18).

Photo ci-dessous: église orthodoxe serbe de Pudojevo détruite lors du conflit de 1998-1999.


En mars 2005, un tribunal des Nations-Unies accuse le Premier ministre kosovar d'alors, Ramush Haradinaj, de crimes de guerre commis contre les Serbes durant la guerre de 1998-1999, alors qu'il était membre de l'UCK. Il occupe ce poste ministériel depuis décembre 2004, et après cette inculpation, doit présenter sa démission.¨Par la suite, il est acquitté de toutes les charges retenues contre lui, et le bureau du procureur a fait appel de cette décision, en juillet.


(18) Horrors Alleged in Kosovo, Wall Street Journal, 14 avril 2008.


3° Crimes de guerre de l'OTAN.

Le gouvernement serbe et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), telles Amnesty International, ont formellement accusé l'OTAN d'avoir elle-aussi commis des crimes de guerre au cours du conflit au Kosovo. L'exemple le plus célèbre (et le plus médiatisé) est le bombardement du batiment abritant la Radio/Télévision d'Etat serbe à Belgrade, le 23 avril 1999, attaque au cours de laquelle 16 personnes ont perdu la vie, et 16 autres ont été blessées. Sian Jones, d'AI, a déclaré à ce sujet: "Le bombardement des installations de la Radio/Télévision serbe est une attaque délibérée contre un objectif civil, ce qui constitue sans conteste un crime de guerre". Suite à cela, l'ICTY a ouvert une enquête, mais n'a pour l'instant engagé aucune procédure ou délivré un mandat d'arrêt.


Kosovo sous administration des Nations Unies (1999-2009).

Le 10 juin 1999, Slobodan Milosevic cède enfin à la communauté internationale et signe les Accords de Kumanovo, qui transfert la gouvernance du Kosovo aux Nations Unies. En vertu de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité, c'est la MINUK, ou "Mission des Nations Unies pour le Kosovo", qui administre désormais la province serbe. Près d'un million de réfugiers kosovars qui avaient été chassés par les Serbes depuis mars 1998 regagnent leur foyer.


Le 12 juin 1999, conformément à cette même résolution de l'ONU, une force de maintien de la paix de l'OTAN, la KFOR ou Kosovo Force, commence à être déployée. Celle-ci a divisé le Kosovo en cinq secteurs opérationnels:

- Secteur américain. QG Camp Bondsteel.
- Secteur britannique. QG Pristina.
- Secteur français. QG Kosovska Mitrovica.
- Secteur italien. QG Pec.
- Secteur allemand. QG Prizren.


En 2006, la structure de la KFOR est réorganisée en Multinational Task Force (MNTF), l'équivalent d'une brigade multinationale. En 2008, les effectifs totaux de la KFOR était approximativement de 15,000 hommes, de 34 nationalités différentes.

Photos ci-dessous: 1° Camp Bondsteel, la plus grande base de la KFOR au Kosovo. 2° Après l'intervention des troupes de l'OTAN au Kosovo, des combattants de l'UCK rendent leurs armes.



  • Multinational Task Force North (MNTF-N).

    - Quartier-Général: Novo Selo.
    - Commandant actuel: brigadier-général Claude Mathey (France).
    - Contributeurs: Belgique, Danemark, France (leader), Grèce, Estonie, GD de Luxembourg, Maroc.

  • Multinational Task Force East (MNTF-E).

    - Quartier-Général: Camp Bondsteel, Urozevac.
    - Commandant actuel: brigadier-général Keith D. Jones (Etats-Unis).
    - Contributeurs: Arménie, Grèce, Lituanie, Pologne, Roumanie, Ukraine, Etats-Unis (leader).

    Ci-dessous: soldats américains et experts en médecine légale de la Police Montée Royale canadienne travaillant sur le site d'un charnier au Kosovo.


  • Multinational Task Force South (MNTF-S).

    - Quartier-Général: Camp Casablance, Prizren.
    - Commandant actuel: brigadier-général Robert Prader (Autriche).
    - Contributeurs: Autriche (leader), Bulgarie, Allemagne, Suisse, Turquie.

  • Multinational Task Force West (MNTF-W).

    - Quartier-Général: Pec.
    - Commandant actuel: brigadier-général Agostino Biancafarina (Italie).
    - Contributeurs: Italie (leader), Espagne, Slovenie, Hongrie, Roumanie.

  • Multinational Task Force Centre (MNTF-C).

    - Quartier-Général: Lipjlan.
    - Commandant actuel: brigadier-général Kyösti Halonen (Finlande).
    - Contributeurs: République tchèque, Finlande (leader), Irlande, Lettonie, Slovaquie, Suède.

La répression serbe a fait officiellement depuis le début de l'offensive militaire de la JNA, en février 1998, entre 4,400 et 10,000 morts civils kosovars. En 2002, par peur des représailles, justifiées ou non, 200,000 Serbes ont quitté leur foyer au Kosovo pour se réfugier en Serbie, 29,000 ont gagné le Monténégro, et 46,000 autres ont été déplacés à l'intérieur même de la province. On estime qu'aujourd'hui, 44,000 Serbes restent au Kosovo. Les deux tiers d'entre-eux se concentrent au nord, et plus particulièrement dans Kosovska Mitrovica, sur la rive nord-ouest de la rivière Ibar, la "frontière" qui coupe de fait la ville en deux parties.

Le 17 mars 2004, pour se venger des destructions et des exactions commises pendant le conflit, des extrémistes albanais lancent des pogroms anti-serbes, assassinent 19 personnes, et incendient ou pillent 35 églises orthodoxes un peu partout dans la province. Plusieurs milliers de Serbes quittent leur foyer, soit pour gagner le nord du Kosovo, où la majorité de la population serbophone s'est regroupée, soit pour se réfugier directement en Serbie.

Ci-dessous: la répartition ethnique des communautés serbophones et albanophones au Kosovo.


Le pont sur la rivière Ibar s'épare désormais en deux parties la ville de Kosovska Mitrovica: au nord-ouest, les Serbes, au sud-est, les Albanais.


De 1999 à 2008, le statut final du Kosovo est indéterminé, ce qui paralyse son développement politique et contribue à une situation sociale tendue. En droit international, la résolution 1244, tout en affirmant le caractère provisoire de ce statut, reconnaît de jure son appartenance à la République Fédérale de Yougoslavie (RFY), c'est-à-dire l'union de la Serbie et du Monténégro instituée par Slobodan Milosevic en avril 1992 et remplacée en février 2003 par la Serbie-et-Monténégro à la suite de l'accord de Belgrade. Depuis, le Monténégro a fait sécession et est devenu indépendant le 6 juin 2006.

Suite au vote de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité, qui autorisait l'établissement d'une autorité "administrative internationale civile", Bernard Kouchner est nommé Haut représentant de l'ONU de juillet 1999 à janvier 2001 en charge de l'administration du Kosovo. Il dirige l'assistance humanitaire, l'administration civile, l'économie, et l'élaboration d'institutions démocratiques. Lors de l'adoption de l'Euro en tant que monnaie fiduciaire le 1er janvier 2002, le Kosovo, largement subventionné par les subsides européennes, devient ipso-facto intégré à la zone Euro. L'euro remplace le dinar serbe en tant que monnaie d'échange.


Plan Ahtisaari (2006-2007).

Le 2 novembre 2005, l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari est mandaté par l'ONU afin de superviser les négociations entre le gouvernement serbe et le gouvernement kosovar sur le statut final du Kosovo. Après le décès du président Ibrahim Rugova, figure emblématique du mouvement indépendantiste albanais, le 21 janvier 2006, des pourparlers entre le gouvernement du Kosovo, la diplomatie européenne et le gouvernement serbe prennent place à Vienne entre mars 2006 et mars 2007. Le 28 octobre 2006, alors que les négociations n'aboutissent pas, le parlement serbe soumet une nouvelle constitution aux citoyens de Serbie, incluant les provinces autonomes de Voïvodine et du Kosovo. Le "oui" est donné gagnant avec 53.44% des voix.

Le 26 mars 2007, Ahtisaari soumet ses propositions sur le statut final du Kosovo au Conseil de sécurité des Nations unies. Il prévoit d'accorder au Kosovo le statut d'Etat indépendant, possédant ses propres symboles, sa constitution et son armée, sous le contrôle de la communauté internationale. Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) apportent leur soutien à ce plan, tandis que la Serbie y est fermement opposée, l'indépendance du Kosovo constituant la perte d'environ 15% de son territoire. En outre, le Kosovo est considéré par beaucoup en Serbie comme le "berceau du peuple serbe", un symbole de son identité et de son histoire.

La Russie, estimant nécessaire de trouver un compromis entre les positions serbe et albanaise, menace d'utiliser son droit de veto à l'ONU si une résolution visant l'indépendance était votée. Selon Moscou, une éventuelle indépendance du Kosovo, étant non conforme au principe de l'intégrité territoriale des Etats souverains consacré par l'Acte d'Helsinki et à la résolution 1244 de l'ONU sur le Kosovo, ouvrirait un précédent dangereux pour d'autres provinces sécessionnistes de l'Europe, tout particulièrement la Transnistrie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie pro-russes dont le statut est actuellement "gelé" (19).

Les Albanais musulmans et catholiques (90% de la population) refusant autre chose que l'indépendance alors que les Serbes orthodoxes (5% en 2008) sont prêts à donner tout sauf l'indépendance, il y a un statu-quo qui ne satisfait personne et notamment pas les Européens qui ont des troupes sur place. Les autres minorités (5%) sont partagées sur la question. Elles sont constituées de Roms, Monténégrins, Turcs, Bosniaques et Gorans, des musulmans parlant un dialecte serbe proche du macédonien, qui seraient apparentés aux Torbes de Macédoine et aux Pomaks de Bulgarie.

La Russie prône la poursuite du dialogue entre Belgrade et Pristina pour que les intérêts des deux parties soient respectés. Le 10 mai 2007, à l'occasion de la première visite d'un président américain au Kosovo, George W. Bush refuse un "dialogue sans fin" sur la région et, en pleine crise des relations avec la Russie, menace de passer outre à l'opposition de celle-ci pour établir l'indépendance de la province serbe à majorité albanaise.

Si Américains et Européens, favorables à l'indépendance du Kosovo, ne parviennent pas rapidement à un accord avec les Russes et les Serbes, qui y sont hostiles, "vous devez dire: ça suffit, le Kosovo est indépendant" déclare le président américain au cours d'une conférence de presse conjointe avec le premier ministre albanais Sali Berisha à Tirana. S'il apparaît qu'un terrain d'entente ne peut être trouvé "dans un délai relativement rapide, nous devons déposer [au Conseil de sécurité de l'ONU] la résolution" conduisant le Kosovo à une quasi-indépendance. "C'est ce que date-butoir veut dire" affirme George W. Bush.

De son côté, Moscou déclare que le plan de règlement au Kosovo doit être acceptable aussi bien pour Belgrade que pour Pristina. Au cours de l'entretien qu'il a le 9 mai 2007 avec le premier ministre serbe Vojislav Kostunica, le président russe Vladimir Poutine déclare que la mise en place du plan retirant à un membre de l'ONU 15% de son territoire est contraire à la Charte des Nations unies. La Russie juge prématuré de définir le statut de la province sans tenir compte de la position du gouvernement serbe et de tous les groupes ethniques du Kosovo.

Lors d'une réunion dans le cadre du récent sommet du G8, le président russe souligne que les règles appliquées à de tels conflits devaient être universelles (20) et que la prise de position de la Russie reposait sur le droit international et les résolutions appropriées du Conseil de sécurité de l'ONU, lesquelles précisent bien que le Kosovo est partie intégrante de la Serbie (21). En l'absence d'accord de Moscou, nécessaire pour faire passer aux Nations-Unies une résolution visant l'indépendance du Kosovo, les Etats-Unis cherchent à convaincre leurs partenaires européens de reconnaître une indépendance proclamée de manière unilatérale par les Albanais du Kosovo. Cependant, les représentants de l'UE se sont montrés réticents jusqu'ici à cette solution.

Suite à la rencontre Bush-Poutine à Kennebunkport, dans la résidence d'été de la famille Bush située au bord de l'océan dans le Maine, au cours de laquelle le président américain ne parvient pas à convaincre son homologue russe de céder sur cette question, les diplomates s'attendent à ce que soit le partage du Kosovo soit vite défini, une boîte de Pandore qui pourrait toutefois réveiller les volontés de partage de la Bosnie-Herzégovine.

Le 17 novembre 2007, le Kosovo vote lors d'élections générales en vue d'un nouveau parlement dont la majorité albanophone attend qu'il proclame l'indépendance que la Serbie refuse. Le lendemain, Hashim Thaçi, leader du Parti démocratique du Kosovo, remporte les élections législatives et annonce la proclamation de l'indépendance au alentours du 10 décembre.

Le 3 décembre 2007, la troïka des médiateurs internationaux aux négociations sur le Kosovo constate dans leur rapport que Belgrade et Pristina n'ont pas pu parvenir à un consensus sur le statut de la province selon Wolfgang Ischinger, diplomate allemand représentant l'UE dans la troïka. Cependant, les leaders serbes et kosovars promettent de ne pas user de la violence dans la solution du problème de la province. (22)

Après l'échec des négociations entre Serbes et Kosovars, il faut désormais "organiser une transition ordonnée" du Kosovo vers l'indépendance, estime le 13 décembre 2007 le porte-parole français de l'Elysée, David Martinon. "Le fait est que le Kosovo et la Serbie ne feront plus jamais un", déclare également la Secrétaire d'Etat américaine, Condolezza Rice, dans une interview au quotidien USA Today, dont le texte a été publié par le département d'Etat des Etats-Unis.


(19) Kosovo: le précédent est inévitable, Interview de Vitali Tchourkine, ambassadeur russe à l'ONU, RIA Novosti, 25 décembre 2007.

(20) G8: il faut des règles universelles pour le Kosovo et les autres conflits interethniques, RIA Novosti, 10 juin 2007.

(21) Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU (10 juin 1999).

(22) Kosovo: pas d'entente entre Belgrade et Pristina (rapport de la troïka), RIA Novosti, 3 décembre 2007.



Proclamation de l'indépendance du Kosovo (17 février 2008).

Les négociations sur le statut du Kosovo entre les autorités serbes et kosovares sont demeurées dans l'impasse, les premières ne parlant que d'une large autonomie du Kosovo au sein de la Serbie, les secondes ne voulant que l'indépendance. La médiation de l'ONU et internationale n'est pas arrivée à trouver un terrain d'entente entre les deux parties, malgré la date butoir fixée au 10 décembre 2007. L'Union européenne et les Etats-Unis sont favorables à l'indépendance de la province, alors que la Russie et la Serbie soutiennent que cette indépendance serait contraire au principe de l'unité territoriale de la Serbie et à la résolution 1244 du Conseil de Sécurité (21).

Le 25 janvier 2008, le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, et le premier ministre kosovar, Hashim Thaçi, décident d'apporter une "solution coordonnée" au problème du Kosovo. Selon RIA Novosti "les parties estiment d'un commun accord que le règlement de ce problème [devra] être dûment préparé et coordonné", le Premier ministre kosovar assurant que la sécurité de la minorité serbe sera garantie après l'indépendance. De son point de vue, la Russie considère qu'il n'existe toujours pas d'alternative raisonnable au règlement négocié de ce problème sous l'égide de l'ONU. Une proclamation unilatérale de l'indépendance violerait, selon elle, la Charte des Nations-Unies (23).

Le 17 février 2008, le parlement de la province, réuni en session extraordinaire, vote le texte présenté par le Premier ministre Hashim Thaçi proclamant l'indépendance du Kosovo: "Nous proclamons l'indépendance du Kosovo, Etat indépendant et démocratique [...] A partir de maintenant, le Kosovo a changé de position politique, nous sommes désormais un Etat indépendant, libre et souverain." (24)

Ci-dessous: des Kosovars fêtent la déclaration d'indépendance de leur pays.


Le nouveau gouvernement de la république du Kosovo n'exerce toutefois pas un contrôle réel sur la partie nord du pays, les populations d'origine serbe étant majoritaires dans les municipalités de Zvecan, Zubin Potok et de Leposavic. Les Serbes du nord du Kosovo demandent leur rattachement à la Serbie.

Plusieurs Etats, dont certains des membres de l'Union Européenne, s'opposent, parfois par principe, à la reconnaissance de cette nouvelle République indépendante: la Grèce et la Bulgarie, qui "ne souhaitent pas créer un autre Etat musulman sunnite", la Roumanie, la Slovaquie, Chypre, l'Espagne, mais surtout la Russie, qui ne souhaite pas créer un précédent d'un Etat pouvant unilatéralement se séparer d'un Etat reconnu.

Cependant, en droit international, la reconnaissance d'un Etat étant l'acte unilatéral par lequel un Etat atteste l'existence à ses yeux de l'existence d'un autre Etat et s'engage à traiter cette situation suivant les règles que le droit international public y attache (25), il est malaisé de définir juridiquement l'existence d'un Etat indépendant.

Carte ci-dessous: les pays de l'Union Européenne qui reconnaissent ou ne reconnaissent pas l'indépendance du Kosovo.



(23) Kosovo: pas d'alternative au règlement négocié (source au Kremlin), RIA Novosti, 24 janvier 2008.

(24) Le Kosovo est désormais "un Etat indépendant et souverain", Le Monde, 17 février 2008.

(25) Par exemple, la république nationaliste de Chine (Taiwan) entretient des relations diplomatiques avec 23 Etats sur les 195 siégeant au siège de l'Organisation des Nations-Unies et avec le Saint Siège. La reconnaissance ou la non-reconnaissance d'un Etat est souvent dictée par des motifs politiques. Pour cette raison, la France ne reconnaît pas la Corée du Nord. Inversement, la reconnaissance par le Japon du Manchoukuo avait pour but de rendre viable cet Etat dont le territoire avait été pris à la Chine.



Yougoslavie, suicide d'une nation européenne.

Vidéos documentaire de la BBC en six parties datant de 1995 et en version française, très instructives. Elles retracent l'enchainement des évenements et l'histoire entre 1989 et 1995 sur les causes et les responsabilités des guerres en ex-Yougoslavie, des crimes de guerre et génocides planifiés par les Serbes en Bosnie et en Croatie. Les évenements de 1998-1999 au Kosovo n'y figurent cependant pas.













Article modifié le 25 octobre 2019.


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Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Se souvenir de Vukovar, Srebrenica et Sarajevo
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Origine et causes
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Croatie (1991-1995)
Blogosphère Mara, Guerres en ex-Yougoslavie - Conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995)


Sources principales:
Kosovo War (1998-1999) (Wikipedia.org)
Breakup of Yugoslavia (Wikipedia.org)
Yugoslav Wars 1991-1995 (Wikipedia.org)

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