23 février 1945 - Pacifique Central: Ira Hayes et la célèbre photographie de Joe Rosenthal

Le 23 février 1945, à 10h30, une section de la Compagnie Easy, 2ème Bataillon, 28ème Régiment, 5ème Division de Marines, commandée par le lieutenant Harold G. "Hal" Schrier, atteint le sommet du Mont Suribashi, après quatre jours de combats sanglants ininterrompus, et y plante un drapeau américain. Episode qu'immortalise dans le monde entier une célèbre photographie prise par reporter de guerre Joe Rosenthal, de l'Associated Press, ce qui lui vaudra cette année-là le Prix Pulitzer de la Photographie.



Contexte historique.

Pacifique Central. Iles Bonin. Iwo Jima. Début de l'opération Detachment. A 9h, après une ultime préparation d'artillerie navale et aérienne de la Task Force TF58 du vice-amiral Marc Mitscher et des B-24 de la 7th Air Force, la Task Force TF51 entame la conquête de l'île japonaise, puissament fortifiée et réputée imprenable. (1)


L'une des plus terrifiantes, rudes et sanglantes batailles de l'histoire du Corps des Marines américain commence.

Les opérations amphibies et de débarquement sont sous l'autorité du vice-amiral Richmond K. "Terrible" Turner, commandant de la TF51. L'ensemble des opérations terrestres sont dirigées sur place par le général Holland M. Smith (USMC).

Si, dans un premier temps, la résistance japonaise est modérée, elle devient rapidement terrible dès que les Marines s'enfoncent à l'intérieur des terres. Leurs pertes deviennent catastrophiques, en particulier sur le flanc droit du dispositif. Sur le flanc gauche, des détachements de Marines tentent d'avancer vers le sud en direction du mont Suribachi. A peine débarqué, les chars amphibies et l'artillerie doivent entrer en action.

Face à la puissance américaine, parfaitement protégés dans des cavernes fortifiées, reliées entre-elles par des réseaux complexes de galeries, des cavernes et des grottes, une véritable "termitière". 21,060 Japonais, dont 7,500 de la marine impériale ou de l'aviation, entraînés aux combats terrestres à la hâte.

Les unités japonaises comprennent des 109ème Division d'infanterie, 2ème Brigade mixte venue de Mandchourie, 145ème Régiment mixte autonome, un régiment de chars, trois bataillons de mortiers et cinq bataillons d'artillerie antichars. Les troupes de la marine impériale sont placées sous le commandement du contre-amiral Toshinosuke Ichimaru, la garnison dans son ensemble étant sous les ordres du général de l'armée Tamadichi Kuribayashi.

Géographiquement, les îles Bonins sont situés à 1,200km au sud de Tokyo, à mi-chemin entre l'archipel des Mariannes et le Japon. Elles sont en fait constitué de quatre sous-groupes d'îles d'origine volcaniques: Muko Jima, Chichi Jima, Haha Jima et Volcano. Iwo Jima fait partie des îles Volcano, et ne couvre que 19km carrés. L'île possède deux aérodromes en service. Un troisième est en construction.

Le mont Suribachi, un volcan éteint, point culminant de l'île à 166m d'altitude, à son extrêmité sud-ouest. Au nord, une hauteur de 90m d'altitude en moyenne, le Plateau de Motoyama. La végétation de l'île est pratiquement nulle et le terrain volcanique, avec son sable noir, donne à l'île un aspect lunaire et n'offre pas beaucoup de couvert ou de protection aux Marines américains.



Pourquoi les Américains se sont-ils décidés à l'envahir?

Raison psychologique: La petite île volcanique est à 650 miles (1,200km) au sud-est de Tokyo. Sa perte aura une énorme influence sur le moral des Japonais

Raison stratégique: d'Iwo Jima opère l'aviation japonaise harcélant la flotte américaine et les bombardiers lourds stratégiques en route vers le Japon. Sa capture permettra aux Américains de diviser par deux la distance entre les îles Mariannes et la métropole japonaise, et obligera Tokyo à replier leurs bases opérationnelles sur Okinawa, au Japon ou dans les îles Philippines.

Iwo Jima étant située à peu près à mi-distance entre l'archipel des îles Mariannes et le Japon, l'aviation de chasse de la 7th Air Force pourra elle-même se servir des aérodromes pour escorter les bombardiers lourds B-29 Superfortress de la 20th Air Force qui décollent de Tinian, Saipan et Guam.

En cas de problèmes technique éventuelle, ceux-ci pourront y faire également escale, sur la longue route (4500km aller-retour) qu'ils doivent emprunter pour leur mission contre le Japon.


(1) Blogosphère Mara, "19 février 1945 - Opération Detachment: l'enfer d'Iwo Jima"


Célèbre photographie de Joe Rosenthal.

Ira Hamilton Hayes (à gauche sur la photo ci-dessous, prise en 1947), un jeune Amérindien de la tribue Pima, engagé dans le Corps des Marines en 1942. Il est né le 12 janvier 1923 et décédé le 24 janvier 1955, et est l'un des six soldats Américains immortalisés par le photographe de guerre Joe Rosenthal, de l'Associated Press (AP), sur son cliché Raising the Flag on Iwo Jima, pris le 23 février 1945 en fin de matinée, au sommet du Mont Suribashi.


De gauche à droite, visible sur le croquis: Ira Hayes, Franklin Sousley, John "Doc" Bradley et Harlon Block. Les deux derniers soldats figurent au second plan: Michael Strank derrière Sousley, et René Gagnon, derrière Bradley. L'histoire du premier retient particulièrement l'attention du public, du fait de ses origines amérindiennes.



Premier ou second drapeau?

Raising the Flag on Iwo Jima est le nom donné à la photographie prise par Joe Rosenthal. Elle dépeint cinq Marines et un infirmier de la Navy, John Bradley, hissant la bannière étoilée, fixée au bout d'une barre mettalique, au sommet du Mont Suribashi, un volcan éteint, le point culminant de l'île, à 166m d'altitude.

Le cliché du photographe de l'Associated Press (AP) devient le symbole de cette terrible bataille, c'est une des plus célèbre photographies de la Seconde Guerre mondiale et va faire le tour du monde. L'histoire de cette photo aurait pu s'arrêter là, mais cela ne sera pas le cas. Car en réalité, il y eut deux plantages d'un drapeau américain. Et le cliché Raising the Flag de Rosenthal représente en fait la seconde.

Le premier drapeau, celui du 2ème Bataillon du colonel Chandler Johnson, de 137cm sur 71cm, est photographié par le sergent d'état-major Louis R. Lowery, pour le journal de l'USMC Leatherneck Magazine.


Le hasard voulu qu'à ce moment, le Secrétaire d'Etat à la Marine, James V. Forrestal, se trouvait avec le commandant du Corps expéditionnaire de l'USMC, le général Holland M. Smith, à bord d'une péniche, et s'apprêtaient à débarquer sur l'île. La péniche accostant juste après que le drapeau original soit hissé, sa vue provoque chez les deux hommes un sentiment d'euphorie.

Puis Forrestal décide de récupérer le drapeau. Quand Johnson prend connaissance de la demande de Forrestal, il explose: "Je voudrais bien voir ça!". Pour lui, le drapeau au sommet appartient à son unité, et le lui reprendre est "hors-de-question".

Johnson décide donc de mettre l'original à l'abri. Il ordonne à l'un de ses subordonnés, le lieutenant Ted Tuttle, de trouver un drapeau de substitution.

Tuttle en trouve un à bord du navire de débarquement LST-779, sur la plage, et le rapporte à Johnson. Celui-ci, à son tour, le confie à l'un de ses messagers, René Gagnon, et lui ordonne de l'apporter au sommet du Mont Suribashi. Gagnon l'atteint peu avant midi.

Au même moment, Joe Rosenthal, accompagné de deux autres photographes du Corps des Marines, dont le sergent Bill Genaust et sa caméra, gravit les pentes du volcan. Le groupe croise en chemin Lowery, l'auteur du premier cliché, celui du drapeau original du bataillon. Ce dernier indique au trois photographes que le sommet serait un endroit tout indiqué pour leurs prises de vue. Ceux-ci l'atteignent à l'instant même où les cinq Marines et l'infirmier de l'US Navy Bradley s'apprêtent à dresser le drapeau de substitution, accroché à un mat metallique. Rosenthal en profite pour prendre l'évènement sur le vif et immortalise cet instant.

Cette photographie fera le tour du monde et vaudra à son auteur le Prix Pulitzer de la photographie de 1945. Elle deviendra un des plus célèbres clichés de la guerre, symbolisant à elle seule la bataille d'Iwo Jima.


Polémique sur une mise en scène.

Après cette première photographie de la pose du drapeau, Rosenthal demande aux Marines présents de poser devant le mat pour un second cliché. Il le baptise Cliché de gung-ho.


Le sergent Bill Genaust, qui accompagne Rosenthal, filme également ces quelques secondes avec une pellicule Kodakrome 16mm couleur. Malheureusement, celui-ci sera tué neuf jours plus tard.


Quelques jours plus tard, on demanda à Rosenthal s'il avait demandé aux Marines, pour la photo Raising the Flag, de poser. Celui-ci, croyant que la question se référait à la seconde photo Gung-ho, répondit par l'affirmative.

Lorsque Rosenthal se rend compte de sa bourde, il est trop tard!

Se basant sur cette réponse, Robert Sherrod, correspondant pour le journal Time-Life, informe le siège New-Yorkais de son magazine, que la pose du drapeau est une mise en scène orchestré par Rosenthal.

L'émission radio du Time, Time View the News, diffuse cette révélation, et accuse ensuite Joe Rosenthal "d'être monté sur le mont Suribashi après que le premier drapeau y fut planter".

La conséquence de cette diffusion est que l'on accusera par la suite, à plusieurs reprises, le photographe d'avoir volontairement mis en scène l'image, ou d'avoir voulu dissimuler le plantage du drapeau original. Une critique littéraire du New York Time ira même jusqu'à suggérer qu'on lui retire son Prix Pulitzer.

Finalement, cette malheureuse bévue poursuivra Rosenthal tout le reste de sa vie. Durant les décennies suivantes, il ne cessera de réfuter les accusations et calomnies dont il fait l'objet. Il s'éteint à Novato, en Californie, le 20 août 2006 à l'âge de 94 ans.

Photo-ci dessous: 1° Mont Suribashi aujourd'hui. 2° Plaque commémorative américaine en 2003.




Hollywood et la bataille d'Iwo Jima.

En 2006, Clint Eastwood réalise le film A la Mémoire de nos Pères, basé sur le livre Flags of our Fathers de James Bradley, le fils d'un des six soldats immortalisés sur la photographie de Joe Rosenthal. Avec dans le rôle d'Ira Hayes, l'acteur Adam Beach, lui aussi d'origine amérindienne et qui a été révélé au grand public dans le film Windtalkers: les messagers du vent de John Woo.


L'année suivante, Clint Eastwood récidive avec Lettres d'Iwo Jima. Le réalisateur américain montre cette fois la bataille du côté japonais. Ce second film est d'abord diffusé au Japon, avant d'être projetté dans les salles de cinéma aux Etats-Unis.





Série documentaire "Grandes Batailles de la Seconde Guerre mondiale"
(Henri de Turenne et Daniel Costelle) - Vidéo Youtube.


"Les Grandes Batailles" est une série d'émissions télévisées historiques de Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne diffusée à la télévision française dans les années 1960 et 1970, qui décrit les principales batailles de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le procès de Nuremberg. Les émissions donnent la parole aux officiers ayant participé à ces batailles ainsi qu'à des historiens. Ces interventions alternent avec des extraits de reportages. Les commentaires sont d'Henri de Turenne.


"Bataille du Pacifique - 2ème Partie: la reconquête" (1943-1945).

7 décembre 1941. L'agression japonaise contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbor entraîne les Etats-Unis dans une bataille à mort sur le plus vaste théâtre d’opérations de l'histoire. Avide de conquêtes et de matières premières, le Japon instaure sa domination sur l'Asie, jusqu'à la victoire américaine de Midway du printemps 1942, qui sonne l'heure du reflux. Les archives des forces alliées et japonaises restituent l'irrésistible ascension japonaise et cet affrontement aéronaval spectaculaire. Ce documentaire montre chaque étape de la bataille du Pacifique: de la sauvagerie des combats sur les plages et dans la jungle des îles du Pacifique à l'apocalypse nucléaire qui s'abat sur le Japon en août 1945.













Article modifié le 24 février 2019.


Sources principales:
Raising the flag on Iwo Jima (Wikipedia.org)

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